Catégorie : C - Anecdotes, réflexions et solutions suggérées
Une fois n’est pas coutume, nous allons commencer cet article, par une blague qui circule depuis longtemps sur le net :
Je suis FATIGUẾ !
Pendant des années, j'ai mis cette fatigue sur le compte :
- du manque de vitamines,
- de la pollution,
- du cholestérol,
- de la morosité ambiante,
- du bruit fait par les voisins,
- des embarras gastriques chroniques,
- des articles désespérants d’Infreequentable,
- enfin, de toutes ces choses qui vous font demander, si la vie vaut la peine d'être vécue.
J'ai fini par réaliser qu'il n'en était rien, je suis fatigué parce que je travaille trop !
La population de ce pays est de 60 millions d'habitants, sur lesquels 21 millions sont des retraités, ce qui laisse 39 millions de citoyens pour faire le travail.
Si l'on retire encore 18 millions d'étudiants ou d'écoliers, plus 5 millions de chômeurs, plus 6 millions de fonctionnaires ou assimilés, il ne reste plus que 10 millions de clampins pour bosser.
En soustrayant les 3 millions de militaires, les 620 000 personnes hospitalisées, et les 379 998 taulards, il ne reste plus que 2 pauvres cons pour faire le boulot... VOUS et MOI ! Et vous, vous glandez là, assis sur votre cul à lire ces conneries !!!
C'est pas étonnant que je sois surmené !...
Mais, est-ce vraiment une blague ? Alors, allons voir la réalité des chiffres… Si l’on en croit l’INSEE ( http://www.insee.fr/fr/ffc/chifcle_fiche.asp?tab_id=293 ) et pour résumer, la répartition socioprofessionnelle de la France était la suivante en 2005 (derniers chiffres publiés sur leur site (SIC !).
Évidemment pour nous simplifier la tache l’INSEE ne comptabilise pas les moins de 15 ans (pourquoi cette limite, on ne le saura jamais) ce qui ne permet pas d’avoir une vision très exacte des populations puisque les écoliers ne sont pas comptabilisés, ni les collégiens, ou lycéens et techniques jusqu’à 15 ans… et ces derniers représentent quand même en tout 12 111 900 individus selon les chiffres du Ministère de l’Éducation Nationale… De plus, ces données ne sont pas corroborées par d’autres répartitions qui nous auraient permis de comprendre plus finement les enjeux (cumul d’emplois et de catégories, pyramide des âges des emplois, etc.). Aussi, selon les données que j’ai pu glaner ici et là, j’ai rectifié les données initiales en calculant la deuxième et troisième colonne et nous ferons avec (même si ce sont des approximations), car, ces éléments sont déjà suffisamment significatifs.
Donc, si on reprend la petite histoire précédente et pour résumer, la réalité est grosso modo la suivante :
La population de la France est de 63,392 millions d'habitants (dont 44,474 millions d’électeurs inscrits), constituée de 45,49 % d’actifs, donc plus d’une personne sur 2 ne produit rien et vit du travail des autres… Ou autrement dit quand une personne travaille elle prend en charge intégralement plus d’une autre personne.
Quand on constate en plus que 72,28 % des actifs sont des métiers du tertiaire (cols blancs + services), la question qui se pose immédiatement est qui travaille ? Mais également, qui est utile à la société ? Et plus profondément quelles sont les personnes qui par leur travail créent ou permettent à d’autres de créer de la richesse ? C’est compliqué pas vrai ? Car comment décider des critères de ce qu’est un travail et pire, pour faire des choix, comment décider d’une hiérarchie de l’utilité ?
Nous allons nous simplifier la tâche en reprenant la pyramide des besoins de Maslow que je vous ai déjà servie dans un précédent article (Cf. : C - 9 - Nicolas Hulot : l'équation économique insoluble et insolvable...).
1- Besoins physiologiques de base : (par ordre de priorité) Oxygénation - Équilibre hydrique et sodé - Équilibre alimentaire - Équilibre acide-base - Élimination des déchets - Température normale - Sommeil - Repos - Relaxation - Activité - Mobilisation - Énergie - Confort - Stimulation - Propreté - Sexualité.
2 - Besoins de sécurité : (par ordre de priorité) Protection du danger physique - Protection des menaces psychologiques - Délivrance de la douleur - Stabilité - Dépendance - Prédictibilité - Ordre.
3 - Besoins de propriété : Besoin de maîtrise sur les choses, sur les événements - Besoin d'impact, de pouvoir sur l'extérieur et donc besoin important de connaissances pour y arriver.
4 - Besoins d'appartenance : (par ordre de priorité) Amour et affection - Acceptation - Relations et communications chaleureuses - Approbation venant des autres - Être avec ceux qu'on aime - Être avec des compagnons.
5 - Besoins d'estime de la part des autres : (par ordre de priorité) Reconnaissance - Dignité - Appréciation venant des autres - Importance, influence - Bonne réputation - Attention - Statut - Possibilité de dominer.
6 - Besoins d'estime de soi : (par ordre de priorité) Sentiment d'être utile, valorisé - Haute évaluation de soi-même - Se sentir adéquat, autonome - Atteindre ses buts - Compétence et maîtrise - Indépendance.
7 - Besoins de se réaliser : (par ordre de priorité) Croissance personnelle et maturation - Prise de conscience de son potentiel - Augmentation de l'acquisition des connaissances - Développement de son potentiel - Amélioration des valeurs - Satisfaction sur le plan religieux et/ou philosophique - Créativité augmentée - Capacité de percevoir la réalité et de résoudre les problèmes, augmentée - Diminution de la rigidité - Mouvement vers ce qui est nouveau - Satisfaction toujours plus grande face à la beauté - Moins de ce qui est simple, plus de ce qui est complexe
Où cela nous mène-t-il me direz-vous ?
Hé bien à un premier constat anecdotique, c’est qu’on ne choisit pas par hasard, les métiers que nous exerçons… S’ils ne sont pas que des obligations alimentaires de survie, ils correspondent, dans bien des cas, aux besoins que nous devons réaliser pour nous sentir bien.
Puis à un deuxième constat, beaucoup plus significatif, au cours de notre histoire la grande masse de ceux qui travaillaient pour satisfaire notre premier et deuxième niveau (essentiellement alimentaire et de protection), s’est déplacée et répartie progressivement sur les autres niveaux, essentiellement constitués par les professions du tertiaire.
Sans prétendre à une exhaustivité, ni à une vérité universelle de quoi avons-nous vraiment besoin pour vivre ? Manger, être à l’abri dans une maison chauffée en cas de froid, de lien social (à part pour les ermites) sous toutes ses formes (y compris commercial) et être soigné en cas de maladie… Bref, en terme de métiers, nous avons besoin d’agriculteurs, de bâtisseurs de maisons, de médecins, ainsi que de produire des vêtements, des moyens de se chauffer, sans oublier des artisans pour les outils et les armes.
Tout le reste, c’est du confort en plus ou de la nourriture pour l’esprit, mais en aucun cas, ça ne répond à un besoin vital. C’est bien, essentiellement, autour de ces fonctions que la vie économique et sociale des hommes s’est prioritairement organisée pendant de nombreux millénaires, et encore aujourd’hui dans bien des régions du monde.
D’ailleurs, à part pour la médecine, la plupart de ces métiers ne supposaient pas des spécialisations qui auraient permis à un individu de ne vivre par exemple, que de la fabrication d’outils. Les « spécialisations » apparaissent uniquement dans les sociétés démographiquement développées et fortement hiérarchisées, qui ont donné nos civilisations « avancées » passées (sumériennes, égyptiennes, grecques, romaines, aztèques, etc.), ou actuelles.
Cette nécessité de spécialisation est corrélée avec l’expansion démographique des sociétés ; il semble qu’il soit devenu rapidement assez évident qu’au-delà de certains seuils de population, tout le monde tirerait un bénéfice à ce que certains individus entretiennent et développent des savoir-faire spécifiques pour le bien de tous.
Les fonctions immatérielles ont supplanté les fonctions de survie
J’ai volontairement omis dans cette première énumération les fonctions concernant le lien social. C’est d’une certaine façon la plus complexe, car elle recouvre, non plus des métiers liés à la survie primaire, mais les multiples fonctions sociales immatérielles.
Jusqu’à il n’y a pas bien longtemps, nous aurions pu la résumer à : des commerçants, des prêtres, des militaires, des dirigeants. Puis avec l’industrialisation, cet équilibre a été bouleversé au profit d’un système complexe, sectorisé, fortement hiérarchisé, parcellisé, où chaque individu s’est spécialisé dans une fonction.
Cela procède d’un phénomène maintes fois commenté en économie sur la spécialisation des tâches (qu’elles soient de production de biens ou de services) pour aboutir à ce qu’on appelle aujourd’hui la « Chaîne de valeur » (Cf. : WIKIPEDIA). Je ne commenterai pas cette nouvelle organisation du travail qui se redistribue aujourd’hui à une échelle mondiale, et qui produit les transferts massifs d’emplois que nous connaissons. J’y ai déjà apporté mes commentaires et des propositions pour y remédier ( B - 2 - Economie et fiscalité (début) B - 2 - Economie et fiscalité (fin) B - 7 - Emplois C - 14 - TVA et TVA sociale : une arme pour le développement économique et de transparence démocratique... (début) )
Non, ce qui m’intéresse, c’est comment est-ce possible que les fonctions primaires de survie en France, ne représentent plus que 12,61 % de la population totale et 27,72 % de la population active ? Plus étonnant encore, sur ces 12,61 %, moins de 2 % des Français (non inclus ceux qui leur fournissent les outils pour arriver à cette performance) arrivent à nourrir toute la population, mais également à surproduire et à faire des excédents commerciaux, … le chemin parcouru en moins de 2 siècles paraît proprement extraordinaire.
Moi, je reste pantois : 2 personnes nourrissent par leur seule force de production 100 personnes ! On peut s’en réjouir, on peut aussi se demander, comment est-ce possible qu’aucun de ces agriculteurs n’arrive à survivre sans subvention… Face à ce constat impensable (alors que des millions d’agriculteurs arrivent à vivre (ou survivre) de par le monde avec leur seul travail), la seule chose qu’on peut en déduire, c’est qu’il y a vraiment quelque chose qui a disjoncté dans notre système économique et notre échelle des valeurs.
La domination de « l’intelligence » et le besoin de sens jusqu’à l’absurde !!!
Quand, je réfléchis au foisonnement de métiers et de fonctions que l’on peut aujourd’hui recenser dans tous les pays développés, souvent, je me demande : mais à quoi peuvent bien servir tous ces gens et d’où viennent les incroyables pouvoirs qui sont accordés à certains ? De même, on remarquera, sauf exception non-significative, que le niveau des rémunérations suit en principe la pyramide de Maslow : plus on s’éloigne des fonctions de base et plus les rémunérations et la reconnaissance sociale, sont importantes (Note : il existe cependant une exception remarquable, après le niveau 7, selon certains mystiques, il y a un huitième niveau, celui de la réalisation ultime où finalement l’homme abandonne toutes attaches avec les biens matériels et la reconnaissance sociale…).
Je me suis souvent demandé pourquoi, la plupart des animaux acceptent de se soumettre à l’homme, de la même façon, je me suis toujours interrogé sur la justification et la légitimité des pouvoirs accordés à certains (j’en ai même fait un premier mémoire d’expertise-comptable qui a été refusé). Ou autrement dit, pourquoi une personne accepte de se soumettre à la domination d’un soi-disant sachant ? L’expérience de Milgram a démontré et expliqué ce phénomène jusqu’à l’absurde criminel ; malheureusement, il ne nous a jamais appris comment sortir de ces atavismes millénaires. De même, cela reste un presque mystère de comprendre pourquoi les « manuels » non seulement prêtent aux intellectuels des pouvoirs extraordinaires, mais acceptent de les nourrir en échange de leur parole et de leur domination. Sans oublier, que la plupart des manuels souhaitent pour leur descendance que celle-ci devienne des intellectuels, comme si on les avait persuadés que leur travail ne valait rien…
Aujourd’hui, nous en sommes arrivés à une situation tellement démesurée de toutes ces fonctions immatérielles, à une telle hiérarchisation et spécialisation, que mon hypothèse est que ce basculement fonctionnel est devenu non seulement un frein au développement économique, mais également une des causes majeures de notre récession. Parallèlement, la dévalorisation des fonctions manuelles et des services primaires, en est arrivé à un tel stade, qu’il est inutile que je vous rappelle à quel point, nous manquons d’ouvriers du bâtiment ou spécialisés, d’infirmières, d’employés de services (hors bureaucrates), bientôt de docteurs, … Il n’y a pas que nos capitalistes qui pensent qu’il est plus rentable de faire produire ailleurs, il y a aussi une désaffection massive de la population pour tous les métiers qui obligent à rester moins de 8 heures assis le cul sur une chaise ou qui ne confèrent pas une autorité pour faire travailler les autres... La fierté du travailleur, celle de faire quelque chose d’utile pour le reste de la communauté, s’est dissoute dans les sunlights de la bureaucratie.
L’occultisme structurel et du langage, comme moyens d’asseoir son pouvoir et de garder sa place
Il faut bien avouer que tous les bureaucrates ont fait preuve d’une redoutable intelligence pour asseoir leur pouvoir, préserver et développer leurs petits royaumes, ainsi que garder leurs places. Ceci est corrélé au développement des langages occultes, à la mise en place de la croyance qu’il faut une certaine intelligence pour comprendre par exemple, parmi tant d’autres, le langage juridique. Et bien, non, à l’usage de tous ceux qui croient qu’ils n’y comprennent rien, sachez que tout cela est fait exprès ! Quel moyen plus simple pour se rendre indispensable et se conférer des pouvoirs que d’inventer et de développer un langage à part, incompréhensible du plus grand nombre sans initiation ?
Les technocrates et les énarques sont devenus maîtres dans cet art de l’embrouille, mais la plupart des corporations ont leurs codes uniquement faits pour pouvoir facturer très cher leur « savoir »… Il y a une vingtaine d’années, j’ai participé à l’écriture de deux lexiques un pour la gestion et un pour la finance… J’ai été frappé par le jargon employé ; très majoritairement des anglicismes, des abréviations ou des sigles ; alors même que leur traduction en français rendait leur compréhension accessible à tous ; mais bien évidemment à quoi serviraient les experts-comptables, les notaires, les avocats, les conseils en tout genre, les banquiers, les financiers, les énarques, les personnels des institutions sociales, et que sais-je encore, si tout à coup tout le monde se mettait à comprendre leur métier ? Vous remarquerez d’ailleurs que les sigles et les abréviations changent régulièrement, à seule fin de maintenir un haut niveau initiatique… et un haut niveau de facturation… En fait dans 80 % des cas tous ces gens ne sont que des traducteurs de leur jargon et de procédures qui ont été inventées de toutes pièces ; le savoir-faire ou la plus-value économique et sociale véritable, ne rentre que très à la marge dans les prestations fournies…
Mais cet occultisme se retrouve également dans les structures institutionnelles, dont la complexité atteint des sommets… Pour mémoire et de mémoire : 255 régimes de retraite complémentaire, 50 régimes de Sécurité Sociale, 25 URSSAF, une dizaine de régimes chômage, 73 codes de lois et de procédures et à peu près autant de chambres juridiques spécialisées, … une organisation structurelle morcelée où des pans entiers des prérogatives de l’État ont été privatisées pour le plus grand profit de quelques corporations qui font leur loi, pour certaines depuis Napoléon : huissiers, greffiers, administrateurs judiciaires, notaires, experts-comptables, commissaires aux comptes, avoués, … et je ne vous détaille pas les particularismes institutionnels départementaux, régionaux ou des DOM TOM, car cela dépasse tout ce qu’on peut imaginer en terme d’usine à gaz… Par exemple, aucune législation unifiée pour les ASSEDIC, chaque bureau des mandataires sociaux a ses propres critères pour décider qu’un dirigeant d’entreprise sera dans l’obligation de cotiser ou pas pour lui. Je l’ai expérimenté avec deux dossiers avec des caractéristiques communes : Caen demandait l’adhésion du dirigeant, alors que Paris l’a refusait…
En bref et vous l’aurez compris, quand une aussi importante masse de personnes est occupée à produire du papier, de l’auto-connaissance inutile, à préserver et à perpétuer son domaine réservé, il n’y a pas de hasard dans les difficultés économiques que nous subissons.