Première date de publication : 17 mai 2012
Date de la dernière mise à jour : 17 mai 2012
Un titre ambitieux n’est-ce pas ? Cependant, ne vous attendez pas à ce que je vous fasse l’exégèse de tous les penseurs (philosophes, économistes, politiques, et cetera, et cetera...) qui ont écrit et se sont prononcés sur le sujet ; ils sont bien trop nombreux et mes choix seraient forcément partiaux et partiels... En plus, j’ai une mémoire de palourde et cela me demanderait trop de travail pour me la rafraîchir, d’autant plus, pour des textes que j’ai principalement lus dans mes jeunes années, quand je pensais surtout que « la propriété, c’est le vol » (célèbre formule de Proudhon, qui sur la fin de sa vie a rectifié en disant que finalement, c’était un mal nécessaire sous la forme « la propriété, c’est la liberté », pour exercer un contre-pouvoir de l’État !!! Il ne croyait pas si bien dire le bougre... mais je doute qu’il ait pu imaginer que certains possédants deviendraient plus puissants que les États)....
Aussi, je vous propose d’oublier la philosophie, la morale, et patati et patata, et d’aborder le sujet, sous un tout autre angle, celui des expériences vécues et en partant d’une libre adaptation d’un commentaire de Richy qui nous rapporte un constat frappant.
Si en l’an 0, un banquier avait prêté 3 grammes d’or (0,003 kg, le poids moyen d’une alliance) à quelqu’un, en intérêts composés à un taux de 3,2 %, combien de kilos ou tonnes d’or devraient rembourser les descendants du débiteur en 2012, pour solder leur dette ?
On pose la formule : 0,003 X 1,0322012
On demande à Excel de faire le calcul, et on trouve, en tonnes : 10 015 490 067 627 500 000 000 tonnes ; soit 10,015X1021 tonnes.
La masse de la terre est de : 5 973 000 000 000 000 000 000 tonnes ; soit 5,973X1021 tonnes ; et on comprend tout de suite qu’il y a comme un problème, puisque la dette cumulée ferait presque 1,7 fois la masse de la terre...
Premier constat, la physique s’oppose et donne des limites matérielles et temporelles, infranchissables au système de la dette, de la propriété privée et des exigences de rendements qu’on peut attendre d’un placement...
Deuxième constat, sans « destruction de valeur », notre système économique aurait depuis fort longtemps atteint les limites physiques de sa « logique ». Ou dit plus trivialement, dans le choix de développement que nous avons fait, il faut qu’il y ait des « ruinés » et des « perdants », pour que le système puisse perdurer, pas à l’infini, mais le plus longtemps possible. Et en tout état de cause, même avec une « croissance lente », nous atteindrons un jour ces limites... qui se profilent déjà dans la pénurie annoncée, réelle et effective, de pétrole et de matières premières...
Gardez en mémoire ces deux premiers constats, nous y reviendrons... et ne vous troublez pas du fait que je passerais constamment du problème de la propriété (qui possède ? et quoi ?) à la façon dont on l’utilise (pour faire quoi ?), c’est pour mieux en casser certaines logiques soi-disant liées...
Quelques considérations, partiales et partielles...
À la suite de ce calcul, j’ai immédiatement pensé aux religions révélées (Bible et Coran), à l’interdiction initiale absolue qu’elles imposent au fait d’exiger une rémunération contre le prêt d’argent ; même si des écrits ultérieurs et successifs tempèrent l’interdit (droit de prêter aux « étrangers » ou notion de « juste prix »)... Les prophètes étaient soient de brillants mathématiciens, soient comprenaient qu’il y a quelque chose d’intenable, pas seulement moralement, dans le fait d’exiger une rémunération contre un prêt...
Seulement, il est assez évident que tous les religieux ont quelque peu oublié leur loi initiale ; pire depuis les années 70, la financiarisation est même devenue une « religion » en soi. Considérer l’argent comme une marchandise, qui obéit à la loi de l’offre et de la demande, et son corolaire faire de l’argent avec de l’argent, semblent des évidences, même pour le petit épargnant, qu’il est difficile et même tabou de remettre en cause.
Outre les raisons que nous avons déjà explorées dans cet article, cette idéologie, dominante et triomphante, doit également beaucoup au fait qu’à la suite de la chute de l’ex-URSS, l’économie planifiée et la collectivisation des moyens de production semblent être devenus le mal absolu pour stimuler et tenir un développement économique... Il n’y a plus de contre modèle sur terre et seuls les peuples premiers nous rappellent (mais, pour combien de temps encore), que l’on peut vivre à l’écart du « toujours plus », sans saccager la terre et ses congénères...
Ce qui est intéressant, c’est de constater qu’à propos du « meilleur modèle économique » les débats d’idéologue n’ont pas de sens, ou du moins ne reposent sur aucune donnée factuelle réelle. À ce que je sache, le fait qu’une économie puisse prospérer et se développer n’a aucun rapport avec qui détient les moyens de production... Ou alors, il faut qu’on m’explique pourquoi certains pays totalement « libéralisés » ne décollent pas économiquement et pourquoi d’autres partiellement étatisés ont des développements insolents, et vice versa également bien sûr. Le seul modèle qui n’a jamais fonctionné, c’est quand tout est étatisé, mais on peut en dire tout autant quand tout est libéralisé ; ce qui d’ailleurs, ne prouve même pas que les expériences soient représentatives de l’échec des modèles sans concession, ni compromis... puisqu’on pourrait probablement relever les raisons des échecs dans l’inadaptation du système à son contexte d’application, ce qui n’a rien à voir avec le modèle en soi, j’y reviendrai...
La France faisait ses plus fortes croissances quand les secteurs nationalisés constituaient la plus grande part de son économie... Très idéologiquement, « on » a décidé que ce n’était pas à l’État de se mêler de produire, que le secteur privé était plus à même de rentabiliser certaines activités... Oui certainement, sauf que depuis, quand on arrive à faire plus de 2 % de croissance, c’est l’extase... J’entends déjà les thuriféraires du « tout libéral » m’expliquer que ça aurait été pire, si on n’avait pas dénationalisé... oui bien sûr, on peut toujours refaire l’histoire, quand on n’a aucun moyen de prouver les résultats et surtout quand on a mis en place tout ce qui pouvait faire échec aux « économies locales »...
La réalité c’est que ce sont toujours les cofacteurs et le contexte qui déterminent la réussite, ou non, de l’économie d’un pays, et certainement pas le mode de gestion de la propriété privée qui a été choisi. Mais de quels cofacteurs parle-t-on ? Essentiellement :
- du différentiel de compétitivité consécutif à la valeur d’échange de la monnaie, et/ou au niveau de servage des salariés,
- de l’ouverture, ou non des marchés (quels qu’ils soient) à la concurrence internationale,
- de l’existence et de l’accès, ou non, à des ressources en matières premières et autres richesses intrinsèques,
- de l’existence et de l’accès, à des « ressources humaines » éduquées et formées, qui pourront produire de l’innovation et du service, dits à valeur ajoutée,
- de la captation, ou non, par des minorités des richesses produites, mais également de leur capacité à réinvestir localement leurs capitaux plutôt que de thésauriser et de financiariser leurs avoirs dans des paradis fiscaux opaques ; ou autrement dit de comment fonctionne la redistribution et le réemploi des richesses produites,
- de l’attractivité du pays (en réalité de sa fiscalité avantageuse, de sa garantie des patrimoines et de sa « tenue » monétaire, etc.) pour capter les investissements de toutes natures, qu’ils soient productifs ou bancaires,
- s’il existe, ou non, des pays dominants prêts à s’endetter et à mener des politiques récessives au-delà du raisonnable (pour avoir accès au marché), pourvu qu’ils créent un système de dépendance monétaire indénouable (ai-je besoin de vous expliquer ? Pensez simplement à la Chine, et avant elle au Japon qui ont fondé leur développement sur l’endettement sans fin des USA, ... et à bien d’autres...). Mais tout également que les pays « sous dépendances » acceptent de conserver leurs excédents monétaires pour qu’ils ne se transforment pas en monnaie de singe...
- et cette liste n’est pas exhaustive, puisqu’on pourrait également y rajouter l’état de flexibilité du marché du travail, la priorité donnée (ou pas) à des politiques axées sur l’intérêt général, et cetera, et cetera, ...
Bref, lier idéologiquement la réussite économique à la forme que prend la détention des moyens de production est tout, sauf un sujet qui pose les bonnes questions... mais, je ne parle là que de la « réussite », pas de ses effets désirés ou indésirables, en fonction de la forme que prend l’idéologie, qui sont un autre débat...
Interlude illustratif sur les formes de propriété :
Depuis toujours, on essaye de répondre à des questions qui en réalité ne mettent pas en face les valeurs et les logiques qui les sous-tendent :
- qui peut être propriétaire ? Et de quoi ?
- quelle forme de propriété privée ?
- la propriété privée est-elle indispensable au développement économique et à la prospérité des pays ?
- un propriétaire a-t-il tous les droits de disposer comme il l’entend de ses biens ?
- et cetera...
Cependant que par-dessus toutes ces questions, il y en a une qui reste sans réponse et qui détermine tout ce que nous pourrions gloser sur celles qui précèdent : qu’est-ce qui fonde la légitimité de la propriété privée ?
Digressions, ou presque, sur la possession...
Chacun à son niveau connaît, en principe, le « plaisir » et la « sécurité » que procure la possession... Cela fait partie des besoins basiques, tels qu’ils sont définis par la pyramide de Maslow. Tandis qu’il est communément admis que les « malades » de la possession au-delà de leurs besoins basiques (qu’ils agissent pour eux-mêmes ou pour un groupe social) sont, généralement, les moteurs du développement économique... et également, des exactions et des guerres pour avoir toujours plus... D’ailleurs, on sait que les « riches » s’embarrassent moins de considérations morales que les « pauvres ». Avant même que cette étude ne fasse quelques titres de journaux, de nombreuses autres constataient une « sous-moralisation » des riches (notamment une très sérieuse étude rapportée dans le chapitre « Tricher n’est pas jouer » du livre « Freakonomics » de Steven D. Levitt, qui en arrive même à la conclusion que « c’est leur aptitude à tricher qui vaudrait leur place aux cadres »).
On remarquera que si les riches n’ont jamais eu de très grands buts moraux et de partage, on a cependant eu une catégorie de patrons « paternalistes » qui avaient une haute idée du rôle des élites et des devoirs attachés à leur situation socialement dominante. Une catégorie dont il faut, à l’évidence, parler au passé (sauf pour de rares exceptions locales), tant les « principes de réalité » dictés par la mondialisation ont anéanti toute volonté de promouvoir des comportements et des échanges sociaux différents, fondés, notamment, mais pas que, sur un juste partage des richesses.
Cependant, ce n’est pas dans l’essence du capitalisme néolibéral d’avoir une idéologie, son seul but est la « grossitude du profit » et comme je continuerai à le soutenir, ce ne sont pas les personnes qui décident, mais un système global qui les obligent à adopter des comportements antisociaux et « courtermistes » sous peine de disparaître ; auquel se surajoutent en plus, des effets de taille qui conduisent à l’irresponsabilité, comme pour n’importe quel groupe d’humains.
Une multinationale n’a ni patrie, ni nationalité, ni buts philanthropiques parce qu’elle n’a plus d’identité à défendre et plus aucun groupe social auquel elle doit rendre des comptes ; sa seule religion est celle du profit, point. Elle se fout donc des moyens pour y parvenir, et des conséquences de ses actes, d’autant plus que si ce n’est pas elle qui se colle aux basses besognes, d’autres le feront...
Interlude illustratif de « l’idéologie » du capitalisme néolibéral :
Par ailleurs, comme je le dis toujours, pourquoi se fatiguer à braquer une banque, alors qu’avec un peu d’astuce juridique, on peu en dévaliser des centaines en toute légalité, et/ou spolier les États en ne payant pas d’impôts. Il y a trente ans, un des premiers cours, juridique et fiscal, auquel j’assistais, portait, déjà, sur comme monter des sociétés à capitaux fictifs en multipliant les participations triangulaires, notamment pour échapper à l’impôt... Sauf que comme vous le savez, ces « techniques » que l’on nous présentait, alors, en nous expliquant que c’était interdit, sont devenues le quotidien de tous les juristes qui font du droit des affaires à l’international.
Une « économie » dans l’économie, dont le seul but est d’amasser de l’argent, si possible, sans avoir aucune responsabilité sur la production... et encore moins sur les travailleurs et les populations... C’est de « crime contre l’humanité » qu’il aurait fallu inculper Servier (et tant d’autres comme lui : sang contaminé, amiante, pesticides, dioxine, et cetera), pas pour « tromperie aggravée » ; parce que je ne vois pas ce qui distingue un nazi qui a agi par idéologie raciste, d’un capitaliste qui agit dans le mépris le plus total de ses salariés ou des populations, et appât irréfrénable du gain... La nature de l’idéologie ? Le nombre de morts ?... Non, je ne vois pas...
En tout état de cause, tant que les voyous du capitalisme pourront s’en tirer avec une tape sur les doigts, que leurs entreprises paieront pour eux en plus, je ne vois pas ce qui pourrait les empêcher de continuer.
Cette opposition, combat, et même antinomie, entre l’économie dite réelle et la financière porte en elle-même les ferments des crises et des catastrophes que nous subissons depuis plus de 30 ans, tandis que le pire semble toujours à venir : crise financière, monétaire, identitaire, politique, sociale, démographique, énergétique, d’accès aux ressources ; sans oublier les guerres qui se préparent... et même selon certains, crise du climat... et si même le temps qu’il fait, est contre nous, c’est vraiment la fin des haricots...
La finitude, la réalité oubliée, mais incontournable...
Il est temps, oui, il est temps que nous prenions conscience de la finitude de toute chose... Si je me risquais à une psychanalyse sauvage et globale de ce qui a le plus caractérisé l’inconscient du 20ième siècle, sans conteste, je pense que je mettrais en première place le déni de la mort, du meurtre, et même leur forclusion... comment pourrait-il en être autrement, puisque ce fut le siècle le plus meurtrier de l’histoire de l’humanité, celui qui aura vu les massacres d’humains se perpétuer en masse sans aucune retenue, ni limite, ... ni pitié.
Rêvons un instant : si, tout l’argent, l’énergie et l’intelligence qui ont servi à nous surarmer et à développer les bombes atomiques, avaient été utilisés à inventer une machine à jouir et à être en bonne santé, où en serait l’humanité aujourd’hui ? Si c’est dans les buts qu’une société se fixe qu’on peut interpréter « son inconscient », alors assurément le nôtre est bien dans la négation de la mort, mais aussi du meurtre...
D’ailleurs, depuis quand n’avez-vous pas vu une procession funéraire dans une ville ? Depuis les années 70 (je n’ai pas retrouvé la date exacte de leur interdiction sans autorisation préalable de la Préfecture de police)... toujours cette funeste décennie qui a vu le monde basculer dans des « logiques », où même les morts et la mort doivent échapper à la vue et à la conscience des peuples... sauf, si elle se déroule à la télé...
Je regrette que durant les années 70, pendant le temps, où nous essayions de changer le monde en nous changeant nous-mêmes, d’autres, moins bien intentionnés que nous qui faisions l’amour et pas la guerre, l’ont vraiment changé, sans rien demander à personne. Et la route va être longue et difficile pour revenir à quelques fondamentaux humains de base.
Le capitalisme que nous vivons est bien totalement dans cette logique de déni de la mort. Il cache les destructions qu’il engendre ; d’ailleurs, si on savait comment sont produits la plupart des marchandises que nous achetons, je doute que nous continuerions à les consommer, sans avoir au moins mauvaise conscience. Il ne dit pas que les richesses, dont il regorge, ont été prises quelque part et à quelqu’un ; qu’il a dû détruire quelque chose et/ou quelqu’un pour agrandir son profit. Pire, il veut maintenant qu’on lui offre la vie et l’expansion éternelle par la « privatisation des profits et la collectivisation des pertes ». Il refuse de mourir. Et quand je parle du capitalisme, je ne parle pas seulement d’une entité sans visage, je parle également des peuples qui vivent à crédit et ne veulent pas payer leurs dettes, en essayent de la refiler à d’autres...
Comme contre exemple à cette attitude d’irresponsabilité, je reste admiratif, en tous points, des Islandais... Ils n’avaient que deux choix possibles :
- soit, faire comme tous les États européens essayent de le faire, en installant des politiques d’austérité, pour pouvoir rembourser leurs dettes (et on voit bien que ça ne fonctionne pas, puisque les causes premières ne sont pas traitées, et encore moins évoquées dans le débat présidentiel)... avec son corollaire de conséquences : diminution durable du pouvoir d’achat et perpétuation de la dépendance aux financiers...
- soit, refuser de payer leurs dettes et poursuivre en justice ceux qui en étaient responsables... avec son corollaire de conséquences : crise de liquidités et diminution drastique et brutale du pouvoir d’achat (- 40 %)...
C’est la deuxième solution qui a été choisie et 5 ans (déjà) après le début de la crise, ce pays va de mieux en mieux. Je pense, que si j’étais islandais, je serais assez fier d’avoir assumé de briser d’un coup le joug des financiers, plutôt que de me soumettre à une longue agonie sans fin. Vraiment un exemple à suivre, même si le coût, sur le coup, peut paraître exorbitant... Le choix est en fait intelligent : plutôt que de subir une perte de pouvoir d’achat permanente et durable, ils ont préféré une perte brutale et courte, en se débarrassant de leur dépendance financière et en renvoyant chacun à ses responsabilités. À mon sens, un choix vraiment éclairé...
Au vu de l’exemple islandais, j’en arriverais même à penser qu’il faut vraiment que le grand Armageddon, monétaire et financier, se produise le plus vite possible, pour qu’enfin, on puisse passer à autre chose. Ça sera douloureux pour tout le monde, mais ça aurait au moins le mérite de remettre les pendules à zéro et de renvoyer les financiers jouer aux billes, une fois pour toutes.
Les seuls points qui ne plaident pas pour cette stratégie sont les souffrances des plus fragiles et le basculement dans un monde, dont personne ne sait ce qu’il pourrait produire, comme excès et délires politiques... La « maturité » des peuples n’est pas identique et également loin d’être celle des Islandais partout ; aussi, on peut raisonnablement craindre qu’un tel chaos engendrerait son lot de Hitler, de Staline et de Ben Laden un peu partout dans le monde, sans qu’on puisse s’y opposer... Mais de toute façon, au rythme, où les décisions qui pourraient modifier le système global et celles qui pourraient nous en protéger ne sont pas prises, il arrivera bien le moment, où nous n’aurons plus le choix, et où nous subirons dans l’urgence le résultat final de l’irresponsabilité de 40 ans de politiques démissionnaires...
Interlude illustratif de l’exemple islandais :
C’est une évidence notre système néolibéral, nous mène tout droit dans le gouffre. C’est dans sa logique de ne rien respecter, ni personne ; c’est dans sa logique de ne choisir que les stratégies à court terme et de captation des bénéfices, quels que soient les moyens et l’endroit pour arriver à ses fins.
Si on prend une société comme EDF, imaginons deux secondes que celle-ci soit totalement livrée au secteur privé (comme c’est prévu). Comment des sociétés privées, pourraient-elles nous inciter à faire des économies d’énergie ? À baisser notre consommation ? Comment pourraient-elles développer des programmes de production d’énergie durable et renouvelable ? Permettre aux indigents de bénéficier de tarifs aidés ? Mettre au premier plan la sécurité des citoyens ?... Bref à avoir une stratégie de long terme qui respecte la finitude de toute chose et l’intérêt général plutôt que ses bénéfices. Ça ne peut pas fonctionner, c’est demander l’impossible... ou à un chat d’être un chien...
Et si on réfléchit bien à tous les secteurs productifs actuels, tous ceux qui ont besoin de puiser dans des ressources naturelles (et assez peu y échappent) répondent aux mêmes logiques antinomiques. C’est toujours avec ces « logiques » que quasiment toutes les banques de dépôt jouent contre leur pays d’origine, en se foutant, tout également, de permettre l’évasion fiscale (et il n’y a pas que la BNP) et la spéculation contre leurs propres clients...
À l’évidence, avant de tout renationaliser, parce qu’un jour on n’aura plus le choix, il faudra changer la forme des gouvernances d’entreprise ; en rajoutant enfin la partie des lois Auroux, notamment sur la cogestion des salariés, qui a été abandonnée en rase campagne, et pourquoi pas un conseil stratégique citoyen pour les grosses entités...
Pour autant qu’on me comprenne bien, je ne suis pas pour des mesures qui n’auraient pour conséquence que de faire fuir un peu plus les capitaux et les riches, comme le proposait majoritairement un Mélenchon. Je pense que les riches font de la rétention pathologique ; la seule chose qu’ils ne supportent pas, c’est qu’on leur prenne ce qu’ils ont déjà, et c’est parfaitement compréhensible. Supporteriez-vous de devoir vendre votre voiture pour pouvoir payer un impôt parce que vous avez atteint un seuil patrimonial arbitraire ? D’ailleurs, écoutez les justifications des exilés fiscaux français qui s’installent en Belgique : ils vont là-bas « parce qu’il n’y a pas d’impôt sur le patrimoine » (et une fiscalité avantageuse sur les transmissions), alors même qu’ils sont prêts à payer beaucoup plus d’IR sur leurs revenus, puisque le taux marginal d’imposition, en Belgique, est de 50 % au-delà de 34 330 €, alors qu’il n’est que de 41 % au-delà de 70 830 € en France... étonnant, non ? Pour mémoire l’impôt sur les sociétés est quasiment identique au notre...
Malheureusement, je pense que nous ne sommes pas à la veille d’avoir une fiscalité intelligente, juste et efficace en France... et ce que prépare Hollande à ce sujet est une connerie...
En forme de conclusion provisoire...
Voilà, à dire vrai, je ne sais pas bien, comment conclure ces développements, peut-être un peu dispersés.
J’espère juste vous avoir conduit à réfléchir sur la finalité des « logiques » économiques et financières, ainsi qu’à ne plus prendre pour argent comptant les débats idéologiques qui ne posent pas les vrais problèmes. Ce qui est sûr, c’est que notre modèle de développement, basé sur la dette éternelle, recèle en lui-même ses logiques de destruction, ainsi que sa propre mort, comme le petit calcul du début de cet article le démontre. À n'en pas douter, continuer à nier que nous sommes mortels et que la terre devrait nous survivre (qu’on devrait la laisser aussi propre en partant que quand nous sommes arrivés), ne nous conduit pas aux solutions qui pourraient nous extraire des logiques mortifères.
Le système de la « dette éternelle » doit cesser d’une façon ou d’une autre, de manière intelligente ou dans la douleur. Si elle a pu être un des « moteurs économiques », elle devient aujourd’hui l’ennemie de l’humanité tout entière. Et si nous voulons que nos descendants nous survivent, nous n’avons tout simplement pas le choix. Une des pistes qui m’apparaît à l’évidence, c’est que nous ne pourrons pas éviter de remettre en cause la légitimité de la propriété privée au service d’un seul plutôt que de tous, quand cela concerne des ressources vitales pour tous, et elles sont nombreuses à répondre à ce critère.
Cependant, ne craignez rien, je ne suis pas, pour autant, en train de me transformer en écologiste hystérique et culpabilisant, ni en « mélenchoniste », ou pire... Je pense que pour tous ces objectifs nous pouvons le faire par des lois subtiles et ciblées, pour prendre le système à son propre jeu, tel que j’essaye toujours de vous le démontrer tout au long de ce blog.
Je ne suis pas un perdreau de l’année, et s’il y a quelqu’un qui est sans illusion quelconque, c’est moi.
Cependant en écoutant l’hommage mesuré de François Hollande à Jules Ferry, je me suis surpris à être ému, et même à rêver que peut-être, peut-être, nous étions en train d’amorcer ce virage sociétal nécessaire à la survie même de notre espèce. Celui qui, enfin, nous ferait comprendre que quand on ne meurt pas de faim, qu’on a accès à la santé, à la justice, et que l’on a un toit, « être » est plus important « qu’avoir », comme nous l’expliquait déjà Erich Fromm en 1976 dans « Avoir ou être ».
D’ailleurs, nous n’avons pas le choix, si nous ne sommes pas capables de faire de la connaissance et du savoir, mais aussi du bon sens, les buts premiers de nos sociétés d’humains, alors il nous faudra 2 terres en 2050 pour satisfaire nos « besoins ». Si nous ne sommes pas capables de retourner à des modes de vie plus frugaux, où les échanges sociaux immatériels seront les vraies richesses à atteindre, alors nous, et surtout nos descendants, sommes condamnés au pire...
Désole pour les financiers, il n’y aura rien à acheter et à vendre dans cette société-là, ou si peu, juste à donner et à recevoir de l'intelligence et de l'humanité, juste à être bien les uns avec les autres... une façon de mettre fin au règne des marchands du temple, sans même avoir à leur couper la tête.
Y a plus qu’à...
P.-S. hors-sujet : première « faute » de Hollande : la composition de son gouvernement... Il y a de vraies erreurs de casting dans ce gouvernement, au moins 4 que je connais de près (pour savoir ce qu’ils et elles ont fait, et surtout pas fait), tandis que certains(es) sont tellement inconnus(es), qu’à mon avis ils(elles) vont le rester... Compte tenu de ses choix, visiblement FH « paye ses dettes » et il n’est pas rancunier... En tout état de cause, la République du mérite, de la compétence et de la cohérence semble bien mal partie...