Première date de publication : 12/05/2011
Date de la dernière mise à jour : 12/05/2011
Bien qu'ayant voté pour Mitterrand, je ne faisais pas partie des fêtards du 10 mai 1981. J’étais même effrayé par la liesse qui avait envahi le pays, mesurant déjà combien les déceptions allaient être douloureuses et irréversibles, laissant de profonds stigmates en politique et dans la vie tout court.
Je pressentais déjà que cet homme était un menteur et un manipulateur, dont le seul véritable centre d'intérêt était son gout immodéré pour le "pouvoir" et de basses satisfactions égotiques.
La seule émotion positive que j’ai eue à son élection fut de voir mon père pleurer, à ce qu’il prenait pour l’aboutissement de toute une vie de combats. C’était deux ans avant qu’il meure à 69 ans, emporté par la silicose du marbre après bien des années de souffrances. Au moins, il est mort avec un espoir pour ses enfants, il n’aura pas eu le temps d’être déçu, il n’aura pas eu le temps de se sentir trahi…
Il n'aura pas fallu attendre bien longtemps pour se rendre compte que Mitterrand avait trompé tout le monde... et qu’il serait digne de mes perceptions initiales.
Dès 1982, il enterrait toute une partie des lois Quillot, puis celles d'Auroux (toutes deux, véritablement révolutionnaires dans leur première mouture), empêchant par le fait, des évolutions fondamentales de nos problèmes de sociétés : celles que nous aurions pu faire sur le logement et la direction des entreprises... Ces deux lois, dans leur première version, auraient nécessité de faire des modifications constitutionnelles et Mitterrand n’a pas voulu y aller. Ça aurait dû faire descendre tous les gens de gauche dans la rue pour crier à la trahison ; mais même le PC n'a pas moufté à l'époque ; il attendra sagement 1984 (voir la vidéo associée à ce lien, c’est édifiant) pour démissionner du gouvernement et marquer sa (faible) opposition aux politiques menées…
Pour la première loi, il faudra attendre Chirac (un comble, notamment pour quelqu’un qui aura toujours été logé et ses amis avec, aux frais de la République) pour inscrire une version édulcorée en 2007, du « droit au logement » dans la Loi.
Pour la deuxième, toutes les propositions tendant à modifier les rapports socio-économiques (autogestion, participation, mode de direction des entreprises, et cetera…) ont dés lors disparu des programmes du PS, et il n’y a pas de hasard… C’est si impossible à penser que le PS fut un jour un parti qui avait un vrai projet de société, que quand quelqu’un comme Montebourg remet au goût du jour de timides propositions sur ces sujets, les citoyens, qui ne connaissent pas l’histoire, s’imaginent que c’est un « révolutionnaire »… Ce serait encourageant, si ce n’était pas risible, quand on analyse à quel point Montebourg est le digne héritier de Mitterrand pour tous ses retournements de veste, son opportunisme, sans oublier son manque d’imagination programmatique…
Mais, sous peine de vous fatiguer et que vous ne pensiez que je suis de parti pris contre Mitterrand, je ne vais pas continuer plus longtemps la liste de ses promesses non tenues, de ses revirements et de ses trahisons : sur l'Europe, sur la justice, sur l'éducation, sur l'emploi, sur le libéralisme le plus sauvage, sur la santé, ... Et je ne ferai pas non plus la liste de toutes les puantes affaires qui ont émaillé ses deux septennats ; sur lesquelles il sera bien le seul à ne jamais avoir rendu aucun compte, se soustrayant même aux questions des journalistes, avec un mépris non dissimulé.
Le plus incroyable étant de s'être probablement fait élire sur sa fameuse petite phrase en réponse à Giscard : « vous, vous êtes l'homme du passif » ; et d'avoir autorisé la multiplication par 1,6 de la dette publique sur les 5 premières années de son mandat... pour atteindre 3 à la fin, compromettant durablement toutes les marges de manœuvre budgétaires des gouvernements successifs, qui en tout état de cause continueront à nous enfoncer toujours plus dans cette « logique » keynésienne mortifère... sans oublier le taux de chômage qui sera passé de 6,4 % à 10,1 % à la fin du trop court mandat du regretté Bérégovoy.
Incontestablement, il avait la maîtrise du verbe et encore aujourd’hui, si on s’abstrait des faits, on peut encore vibrer à certains de ses discours…
C’est vrai, Mitterrand a écrit « Le coup d'État permanent »... Sauf qu’en 14 ans, il n'aura pas fait une seule réforme constitutionnelle (à part celles imposées par ses choix européens) pour modifier ce qu'il dénonçait de pourri dans la Vème République, dont il aura largement usé et abusé, exploitant le pouvoir personnel à des fins trop souvent exécrables... Résultat combiné de son absence de réformes constitutionnelles et de nos pertes de souveraineté européennes : un statu quo délétère qui réduit la politique et la démocratie à une pantalonnade de course aux places, où tous les mensonges sont permis, avec une classe politique figée et incapable d'inventer quoi que ce soit pour nous sortir de la mouise... L’impuissance politique faite loi…
Rappelons également, que 13 ans plus tôt, en 1969, cet homme combattait la régionalisation, une réforme courageuse de De Gaulle, qui supprimait également le Sénat, et qui l’a fait tomber. Sauf que Mitterrand nous l’a fait gober dès 1982, en appelant cela la décentralisation, sans référendum (!!!), juste en "triturant" les institutions, et sans rien modifier à l’existant ; de telle sorte que l’organisation politique française est devenue une vraie usine à gaz, où plus personne ne comprend rien et où chacun rejette sur d’autres instances les responsabilités de ce qu’il ne fait pas... éloignant toujours plus les citoyens de leurs représentants et entérinant un système oligarchique, où depuis 40 ans nous supportons toujours les mêmes, quel que soit le niveau d’incompétences qu’ils auront démontré…
Alors, ce n'est pas parce qu'il n'a pas été trop mauvais au niveau international et qu'il a aboli la peine de mort, que ça fait de lui un grand homme à commémorer... Il n'a rien changé aux fondamentaux de notre société, pire, ça s'est aggravé et sclérosé... conduisant toute une partie de la gauche à confondre realpolitik et politique dictée pas la réalité, le comble de la perversion et de l’incohérence, quand on prétend encore changer la société.
Pourtant entre l’absence de perspective du PS (dictée par la « réalité » qu'il a lui-même créée, notamment le libéralisme) et les doux rêves de sa gauche (qui sont en fait des cauchemars), il y a une voie intermédiaire qui permettrait d’utiliser ce que nous savons du système libéral pour le faire travailler dans l’intérêt du plus grand nombre… Mais ça doit être trop compliqué à imaginer ; c’est compréhensible, on ne peut pas en même temps être focalisé sur comment gagner des voix sans décevoir son électorat, et proposer un programme qui ferait bouger toutes les lignes, y incluses celles d’où on parle et d’où on vient (désolé, seuls ceux qui ont lu mes propositions sont à même de comprendre pourquoi je dis ça)…
Cet homme n'aura décidément vécu et voulu le pouvoir que pour satisfaire son égo, et c'est tout... et vous aurez du mal à me faire changer d'avis, alors inutile d'essayer… les faits rien que les faits…
Alors, je le redis, Mitterrand c'est vraiment l'imposture de la gauche... C'est plutôt le deuil de la gauche qu'il faudrait porter à cette date anniversaire du 10 mai 1981 ; et le PS a un sacré culot (à moins qu’il ne soit toujours et définitivement autiste) de vouloir fêter et commémorer le début de tous ses renoncements.