Première date de publication : 07/01/2015
Date de la dernière mise à jour : 07/01/2015
Difficile d’écrire sous l’emprise de l’émotion... Comme la plupart d’entre nous, je suis atterré, effondré, ... par l’attentat meurtrier contre Charlie Hebdo ; et c’est bien le but que poursuivent les « malades » responsables de ces assassinats... nous terroriser, nous faire penser que personne n’est plus libre de croire ou de ne pas croire à ce qu’il veut, sous peine d’y laisser sa peau.
Très jeune lycéen, j’ai rencontré l’équipe d’Hara-Kiri qui venait boire des coups dans un café près de mon bahut : le professeur Choron, Cavanna, Wolinski, Delfeil de Ton, Reiser, et tant d’autres... que j’avais osé aborder pour leur dire mon adoration, comme un fan que j’étais déjà... Et dès lors, à chaque fois que je les rencontrais, ils m’offraient un coup à boire, comme si j’étais un de leurs potes... c’était aussi simple que ça avec eux. J’étais béat d’admiration, tant ils représentaient déjà tout ce que je pensais et voulais vivre.
Autre temps, autres mœurs...
Ce soir, j’étais au rassemblement silencieux de Montreuil... une des rares villes d’IDF, où spontanément les réseaux amicaux ont fonctionné pour que nous nous retrouvions pour partager notre peine, pour affirmer qu’ils ne nous feront pas plier, qu’on ne se taira pas. Combien étions-nous... 2 000, 3 000, peu importe... nous étions là ensemble et c’est tout ce qui comptait et qu’on pouvait faire aujourd’hui.
L’émotion était d’autant plus forte que Tignous était un habitant de cette ville, un ami proche d’un ami, lui aussi dessinateur.
À la dernière soirée, où nous étions ensemble chez cet ami commun, j’avais discuté et plaisanté avec lui sur les enquêtes qu’il avait menées incognito dans certaines sectes. La gouaille avec laquelle il racontait ses aventures passées a joyeusement occupé une bonne partie de la soirée ; au point que pour une fois on en avait même délaissé la piste de danse... juste parce que c‘était vraiment bon de se raconter, de rire, de partager, en sirotant diverses boissons dans cette douceur estivale...
Sales cons de sectaires qui ont fini par avoir sa peau...
Je ne peux pas m’empêcher de penser que c’est tout une époque qu’on a assassinée aujourd’hui. J’ai tellement peur que cela ne change tout, que Charlie Hebdo et tout ce qu’il représente ne se remettent jamais d’un tel drame.
Comme un presque vieux con, je m’interroge sur ce qu’on va laisser à nos descendants ; je me demande s’ils pourront encore vivre l’insouciance et la liberté d’être ce qu’ils sont, sans craindre qui que ce soit...
Après le temps de l’émotion, quand la douleur du deuil se sera un peu apaisée, quand on aura attrapé et jugé les coupables... bien sûr nous pourrons continuer à affirmer haut et fort : « je suis Charlie »... mais pour une fois, une fois seulement, si on recherchait également les responsables ?
Oui, les responsables !
Ceux qui depuis plus de 40 ans :
- ont laissé en déshérence les banlieues ; ont permis et encouragé la création de ces univers concentrationnaires, sans mixité sociale, producteurs de misère, de bêtise et de violences ;
- ont abandonné l’éducation nationale en voulant produire des citoyens adaptés au monde du travail ; en oubliant que sa première mission est de former des esprits libres ; c'est-à-dire tout également de donner la possibilité aux élèves de se libérer de leur condition d’origine et de leur culture, et pour le moins à respecter celle des autres ;
- ont préféré remplir nos prisons de malades mentaux, plutôt que de les soigner ; et pour cause il n’y a plus d’argent pour la santé ; tandis que la part des revenus des 10 % des plus riches s’est encore accrue sur ces seules 5 dernières années de « crise » et que les inégalités ne cessent de se creuser ;
- n’ont jamais voulu mettre en place des politiques d’intégration, de celles qui auraient permis qu’on ne puisse plus jamais se demander s’il y aurait des Français plus Français que d’autres, et autres questions stupides sur « l’identité nationale » ;
- ont fait dans le sillage des USA des politiques internationales à géométrie variable, soutenant un jour un dictateur ou un terroriste, pour le lendemain décréter leur mort, en fonction uniquement d’intérêts économiques et géopolitiques, qui laissent aujourd’hui de trop nombreux pays dans le chaos et la guerre ;
- ont abandonné et sacrifié au grand marché mondial de l’offre et de la demande le pouvoir de décider pour nous qui est utile ou pas sur cette terre ; sans aucun égard pour nos 200 000 SDF, 3,6 millions de mal-logés, bientôt 9 millions de chômeurs et tous ces jeunes sans avenir, sans perspective, sans projet, ... qui sont prêts à tout pour se sentir vivre...
N’oublions pas cependant en chemin :
- « Un peuple prêt à sacrifier un peu de liberté pour un peu de sécurité ne mérite ni l’une ni l’autre, et finit par perdre les deux. » ; Benjamin Franklin.
- « Nous devons apprendre à vivre ensemble comme des frères, sinon nous allons mourir tous ensemble comme des idiots. » ; Martin Luther-King.
Si au moins pour une fois, une fois seulement, on voulait bien apprendre de nos erreurs... mais j’ai des doutes...
Salut Tignous, tu vas laisser un grand vide - un de plus - pour tous ceux qui t’appréciaient ou qui t’aimaient...
Je suis sûr que tous ceux qui sont morts avec toi dans cette épouvantable tragédie voudraient que nous continuions pour eux, pour toi, à rire, à boire, à partager, à rêver et à dire merde à tous les cons. Mais ça n’aura plus jamais la même saveur...
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