Première date de publication : 23/03/2013
Date de la dernière mise à jour : 23/03/2013
Résumons-nous... Selon les souverainistes et nationalistes, l’Euro est à l’origine de tous nos maux ; le retour au Franc est la solution ; et quand on les interroge sur pourquoi le Dollar continue à être la monnaie de 50 États fédéraux, alors que certains parmi eux sont bien plus en faillite que nos « pires » pays européens, ils répondent :
- Ils ont la même langue et ne sont pas constitués par 27 nations différentes, avec 23 langues différentes...
- Les USA ont une totale liberté de circulation des travailleurs, non seulement en théorie, mais en pratique aussi...
- Ils sont une nation avec un sentiment national, avec un patriotisme national, avec un égoïsme national...
- Ils ont un budget fédéral 25 fois supérieur à celui de l’Europe avec une solidarité nationale, avec l’acceptation de transferts d’argent à l’intérieur de cette nation...
Alors, examinons ces affirmations qui justifieraient le fait qu’aucun État fédéral aux USA ne songe à faire une sécession monétaire, et qui fonderaient la « cohésion » de cette Nation...
Des fantasmes rien que des fantasmes...
Justifier que le dollar tiendrait par le peu de différences culturelles de ceux qui l’utilisent est pour le moins douteux… d’autant qu’il y a bien plus de différences entre un New-Yorkais et un Cadien, qu’entre un Slovaque et un Français ; sans compter qu’à l’intérieur même de nos pays européens, il y a, par exemple, bien plus de différences entre un Parisien et un Guyanais, qu’entre un Athénien et un Toulousain ; si tant est qu’il soit possible de faire des généralisations totalement abusives et fondées sur des préjugés…
Et on peut multiplier les différences, apparemment irréconciliables, entre bien des communautés, cultures, villes, régions, et États US, ce qui ne les empêche nullement d’avoir la même monnaie…
L’argument de la langue commune... 20 % des Américains, notamment beaucoup de Latino-Américains, ne parlent pas américain aux USA ; mais, on y parle aussi beaucoup plus de langues qu’en Europe : 337 langues (!!!) sont parlées par la population, dont 176 sont indigènes ; tandis que beaucoup d’Européens ignorent que les USA n’ont même pas de langue officielle ; sans oublier que nombres d’idiomes, dialectes et accents locaux sont totalement incompréhensibles à un Américain moyen.
D’ailleurs, définir ce qu’est un « Américain » n’a strictement aucun sens (à l’exception des Amérindiens), puisque tous sont issus des émigrations (volontaires ou forcées) des autres continents... à peu près comme tous les pays d’ailleurs, y incluse la France n’en déplaise aux tenants de la « France aux Français » (Moi, je veux bien, mais jusqu’a quelle génération ? Parce que si on remonte, ne serait-ce que sur 4 générations, on vide le pays de plus de la moitié de ses habitants et on n’aurait même pas pu avoir Sarkozy comme Président ; avouez que ça aurait été dommage de ne pas avoir ce « fondamental » débat sur « l’identité nationale » ; mais je m’égare )...
Donc, l’argument de l’absence de « différences » culturelles, même fondées sur les langues, ne tient pas deux secondes… Il y a plus de contrastes et de différences, ethniques, sociales, économiques, religieuses, culturelles, et autres, aux USA que nous n’en aurons jamais en Europe même avec nos 23 langues et 27 Nations, y incluses avec nos émigrations ne provenant pas de nôtre continent...
« L’argument » de la mobilité, est pour le moins surprenant parce que je ne vois vraiment pas le rapport, surtout qu’avec l’espace Schengen, elle est totalement possible ; et déjà largement rentrée dans les mœurs pour toute une frange des nouvelles générations… Cependant, c’est quoi l’idée ? Que les sans-emplois grecs puissent aller grossir le nombre de chômeurs allemands ??? Je reste sans voix… Surtout quand on constate à quel point la « mobilité réelle » de certains peuples européens pose toujours (et depuis toujours) des problèmes épineux (pour des raisons différentes) à ceux qui les accueillent…
Pensez, au hasard, aux Roumains ou aux Polonais par exemple. Les premiers, c’est simple, malgré leur grande mobilité et le fait qu’ils se contentent de bidonvilles pour vivre, personne n’en veut. Les seconds vont également partout et sont même sollicités par les entreprises pour venir. Sauf qu’ils manquent cruellement à leur pays au point qu’il y a une émigration ukrainienne en Pologne pour y pallier ; tandis que les autres salariés des pays qui les accueillent les détestent parce qu’ils leur prennent leur boulot... comme ils détestent également actuellement les Espagnols qui viennent bosser dans le sud de la France faisant crever les entreprises françaises locales... Et c’est toujours aussi absurde de s’en prendre aux personnes plutôt qu’au système qui autorise et promeut une concurrence des misères...
Il est à noter par ailleurs, que cette « justification » d’une supposée non-mobilité réelle des travailleurs européens, pour nous expliquer que l’Europe n’est pas une Nation, est pour le moins contradictoire de la part de souverainistes et nationalistes, qui sont également les premiers à décrier les émigrés, quelle que soit leur provenance...
Mais finalement, ceux qui racontent de telles bêtises ont peut-être « raison » : tous les chômeurs européens devraient aller habiter en Allemagne ; afin de confronter ce pays aux déséquilibres commerciaux qu’ils ont sciemment entretenus avec tous les autres pays de l’UE, en nous présentant l’addition aujourd’hui...
Il reste quoi ?... Ha oui, le « sentiment national »... Un drôle de concept qui est, en soi, à géométrie variable... Cependant sans rentrer dans le débat philosophique et politique de fond, c’est quoi l’idée ? Qu’avec le « sentiment national » une économie fonctionnerait mieux ? Comme si la réussite économique pouvait dépendre d’un quelconque « sentiment national », c’est tellement bête et à côté de tout ce que les économistes, pour le coup quelle que soit leur école (à part celle issue de la vision violente et prédatrice du national-socialisme), nous expliquent depuis toujours que j’en ris (jaune) encore…
S’il y a du « sentiment national » à remettre quelque part, c’est plutôt auprès des multinationales qui n’ont plus de patrie, se foutent de tous les peuples et de saccager la planète, pourvu que leurs bénéfices continuent à rentrer, de préférence dans un paradis fiscal opaque ; mais certainement pas entre les peuples européens, qui, qu’on le veuille ou non, et malgré toutes leurs différences, ont toujours été liés pour le meilleur et pour le pire… Aucune Nation n’ayant en soi, la capacité de vivre de façon autarcique sans les apports économiques et humains, mais aussi culturels, des uns et des autres...
Je reviendrai plus tard sur le problème budgétaire parce que lui, d’une certaine façon, est vraiment réel. Cependant, on peut déjà se rendre compte que l’imagerie mythologique, souverainiste et nationaliste, ne tient pas deux minutes à l’épreuve des faits, pour expliquer qu’un Euro ne peut pas rester la monnaie unique de nombreux peuples fussent-ils très différents. On remarquera au passage, que les pays faisant partie de L’UE mais pas de la Zone Euro, ont une indépendance monétaire totalement fictive. En effet, leur monnaie (à l’exception de la £) est arrimée à l’Euro, avec des fluctuations autour d’un cours pivot excédant rarement 2 %... et même le Franc suisse, pays hors de l’UE, est accroché à l’Euro comme une sangsue...
Pourtant, l’idéologie des « différences irréconciliables » continue à être distillée comme un poison, à effets lents, mais potentiellement explosifs, en permanence par quelques leaders politiques, et fait de plus en plus d’adeptes dans tous les pays européens.
Quel que soit le pays, si rien ne va, c’est à cause de l’Euro et/ou de l’Europe... et le pire c’est que c’est vrai ! Même si personne ne sait nous dire où en seraient certains pays de l’UE, y incluse la France, s’ils n’y étaient pas rentrés...
Cependant, comme souvent, ils confondent les effets avec les causes, et en conséquence ils se trompent d’ennemi et de colère... bien alimentée par les partis souverainistes qui n’ont pas compris où se situe la « vraie indépendance » et qui préfèrent faire appel à la peur de l’altérité en mettant les problèmes sur le compte des différences entre les peuples… conneries ! Mes excuses, mais je n’ai pas d’autre qualificatif disponible… Ce n’est pas l’Euro et l’Europe qui sont les problèmes, mais ce qu’on en a fait, les options (pour certaines totalement idéologiques) qu’on a prises, ainsi que les problèmes structurels (notamment ceux concernant nos rapports avec le reste du monde) et démocratiques, qu’on (nous et les autres pays d’Europe) ne veut pas affronter et traiter,...
Où sont les vrais problèmes ?
Cela dit, ça n’empêche nullement que l’Euro ait des tares congénitales, parce qu’il a été créé à une époque où nos « géniaux eurocrates » ne pouvaient pas imaginer une seconde que les pays :
- pourraient être en situation de ne plus respecter les critères de Maastricht,
- pourraient avoir des mégas problèmes de financement (puisque soumis aux « lois » des marchés),
- pourraient décrocher en termes d’équilibres des échanges commerciaux (impossible à ce propos, de trouver le solde des balances commerciales entre pays de la ZE même sur Eurostat, bizarre), ...
et ils n’ont, donc, prévu aucun mécanisme régulateur entre eux…
Pire, nous sommes « mariés », mais sous le régime de la séparation de biens absolue... au point que chaque bouton de culotte dépensé par un pays est inscrit comme une dette à la BCE, tandis que même une invitation au restau donne lieu à une inscription de dette… Alors, pourquoi diable avoir le même chéquier ?… De plus, sans pouvoir modifier, en quoi que ce soit, la politique de l’organisme émetteur central qu’est la BCE…
On mesure toute l’absurdité de ce système de la dette éternelle, quand l’Allemagne vend pour 3 Md€ d’armes à la Grèce (lui fournissant même les financements), et vient ensuite donner à son client des leçons de « bonne gestion », parce qu’il ne peut plus rembourser son emprunt, alors que l’Allemagne a déjà perçu, sans aucun scrupule, tout l’argent pour faire tourner son économie…
C’est vraiment d’une hypocrisie sans nom... Un peu comme si après avoir acheté des fringues dans la boutique de vêtements de son épouse, celle-ci (qui lui a fourni l’emprunt pour être payée) venait réclamer à son mari (avec intérêts) une deuxième fois la somme, juste parce qu’il a fait transiter le montant par le compte commun pour se les offrir... L’exemple est absurde à dessein, mais pas si éloigné de ce qui se passe actuellement... L’Allemagne jouant un jeu dangereux en voulant le beurre, l’argent du beurre et le c... de la crémière...
On voit bien, d’ailleurs, que ce système est surtout bénéfique pour les pays du Nord (Allemagne, Pays-Bas, Irlande, ...) qui assoient leur développement sur l’endettement du « Club Med » (les PIGS – l’Irlande + la France).
On a longtemps cru que l’entrée de pays moins développés dans l’UE était une introduction de concurrence déloyale subventionnée dans le circuit économique, ce qui n’est pas tout à fait faux... Mais en réalité, à l’épreuve des faits, il n’en est (presque) rien, parce que pendant que l’Allemagne laissait aux autres le « sale boulot » de se coltiner la concurrence internationale sur des produits à faible valeur ajoutée, elle développait toutes ses activités à forte valeur ajoutée et haut développement technologique industriel, qui lui permettent de rester concurrentielle au niveau mondial et intra-européen... tandis que l’Angleterre développait son ingénierie financière pour que toute production de valeur en Europe et dans le Monde, lui rapporte à coup sûr des intérêts...
Et la France ?... Bé la France n’a jamais vraiment choisi, elle a voulu jouer sur tous les tableaux et n’en maîtrise totalement vraiment aucun ; sauf celui de la technologie nucléaire, dont plus personne ne veut, à l’exception de ceux qui veulent la bombe avec... Elle est également un des rares pays européens qui n’a jamais réussi à réformer ses structures en profondeur, pour s’adapter aux nouvelles donnes... La politique du « ni-ni », avec ses empilements de structures pour remédier aux insuffisances des existantes a vraiment été une catastrophe... Et depuis 30 ans on n’a su faire que ça... Même quand par miracle, un gouvernement arrive à imposer une réforme structurelle, comme l’évidente nécessité de fusionner l’ANPE et les ASSEDIC, on se retrouve avec une usine à gaz sans nom, plus inefficace que ne l’ont jamais été les anciennes structures...
Mais pour revenir à nos « différences » avec les USA... contrairement au système US, aucun mécanisme de compensation et de régulation n’a été prévu en Europe, y inclus par un impôt européen qui cesserait d’être symbolique et qui pourrait être redistribué aux pays moins bien dotés ou en difficultés… et ça serait bien normal, compte tenu que les pays qui « s’enrichissent » le font en grande partie par l’endettement de ceux qui n’y arrivent pas, et/ou à cause du dumping fiscal qu’ils ont mis en place...
De même, ça ne pose (presque) aucun problème au Gouvernement central US qu’un État fédéral soit en cessation de paiement, ce dernier ayant toute latitude pour négocier directement avec ses créanciers. Mieux... même, une faillite d’un État fédéral ne peut pas impacter la valorisation monétaire (ou seulement très à la marge), car celle-ci ne dépend pas des divergences économiques (et elles sont nombreuses) entre les différents États fédéraux, mais bien des échanges globaux du bloc monétaire par rapport au reste du Monde…
L’Euro ne devrait pas pouvoir être impacté par la « faillite » d’un État, pas plus que ne le serait le gouvernement français par la faillite d’un département… et pourtant compte tenu de l’absurdité des interdépendances financières, du système de dette éternelle, de la dépendance aux marchés financiers étrangers, de l’augmentation effrénée de la financiarisation, et de l’absence de mécanismes régulateurs, même Chypre (1,1 M d’habitants) est en capacité de tous nous faire plonger… un comble, pour la première puissance économique du Monde...
On voit bien, en conséquence, qu’il y a le feu, et que nos « géniaux eurocrates » courent après les « fausses solutions », en prenant sciemment le risque de passer outre les clarifications structurelles et démocratiques, qui sont absolument nécessaires pour arrêter les putschs permanents, ainsi que la politique à géométrie variable à la tête du pays/client (lien d’un excellent article de Caroline sur le cas irlandais).
Dans la « course aux armements », suite aux insondables « négligences » que la crise a révélées, il y a eu la mise en place du MES (2011), puis le Pacte de stabilité et de croissance (version 2005 modifiée en 2012) et maintenant le Two-Pack (2013), qui créent tous des systèmes de contrôle, de contraintes et d’intervention dans les pays de la Zone euro extrêmement contraignants, mais surtout totalement en dehors de toute procédure démocratique susceptible de légitimer les décisions... parce que toutes ces instances ne dépendent pas d’une élection, ni même d’une validation des décisions par les pays, mais constituent néanmoins des autorités supranationales n’ayant de compte à rendre à personne !!!
Un peu comme si un jour nos députés aussitôt élus, nommaient des fonctionnaires à la tête du législatif et de l'exécutif, avec en prime une immunité totale pour leurs actes, ainsi que le pouvoir de remettre en cause les propres décisions de ceux qui les ont nommés... Stupéfiant ! Je crois bien que c’est la première fois qu’on voit ça dans une « démocratie »... Ha non, je me trompe, c’est exactement ainsi qu’Hitler a pris le pouvoir en 33 en Allemagne en se faisant voter tous les pouvoirs, ainsi que le pouvoir de s’opposer à tous les pouvoirs... C’est ça qui se déroule, apparemment en douceur et sans violence, en ce moment chez nous, en Europe... dans l’indifférence, médiatique et citoyenne, quasi générale.
Et les seules actions sont de mettre sous administration judiciaire les pays défaillants, avec mutualisation des dettes, mais toujours en laissant inscrite la dette en attente de retour à meilleure fortune. Autant dire qu’on va attendre longtemps et qu’on est en pleine tartufferie… Avec deux innovations, cependant, le cas irlandais et le chypriote... qui démontrent si besoin en était que les « logiques » qui font que la ZE accorde tel ou tel prêt, ou facilités, ou au contraire restrictions ou sanctions, à tel ou tel pays sont pour le moins obscures...
Bien sûr, tout ça sans jamais remettre en cause le moins du monde la « sacro-sainte » soumission aux marchés financiers et tout ce qui autorise ces mêmes marchés à saigner les pays qui ont des problèmes, tout en planquant ailleurs les colossaux profits qu’ils en retirent ; ainsi que sans toucher à la monstrueuse financiarisation complètement déconnectée de l’économie réelle, responsable de ce marasme… Tout ça sans vouloir admettre que les systèmes de double-contrainte insolubles qui sont perpétuellement mis en place en Europe ne peuvent déboucher que sur un collapsus systémique durable et la destruction des valeurs qui ont fait l’Europe...
Autant dire que si on ne traite pas les causes, toutes les causes (y inclus en employant des moyens radicaux, comme les Islandais qui ont fait défaut sur leur dette), effectivement on peut prédire sans grand risque de se tromper, qu’on va dans le mur… et contrairement aux idées reçues, Allemagne incluse…
Problème budgétaire, ou insuffisances politiques et démocratiques ?...
À juste raison, certains font remarquer que la part des dépenses de l’État dans les budgets fédéraux des USA est 30 fois supérieure à celles de l’UE. Bien évidemment, c’est significatif en soi... sauf qu’il faudrait connaître la répartition des compétences pour que cela devienne vraiment parlant...
Je m’explique... Il n’y a pas, par exemple, d’armée européenne, et donc ce poste est assumé directement par chaque pays sans solidarité budgétaire... Aussi, en l’état de nos absences de partage des responsabilités, je ne vois ce que ça changerait que ce soit l’Europe qui gère en plus un certain nombre de prérogatives qui restent nationales aujourd’hui... Ce serait de simples jeux de vases communicants qui rajouteraient de l’opacité et de l’arbitraire au niveau des re-répartitions qui s’en suivraient (exemple : la politique agricole dite « commune ») ; du moins tant qu’on ne disposera pas d’Institutions démocratiques centrales qui pourraient rendre des décisions qui s’imposent à tous sur un certain nombre de sujets...
On voit bien que l’Europe est restée au milieu du gué à ce niveau-là, personne ne voulant franchir le pas pour abandonner à une structure démocratique centrale des prérogatives nationales qui sont de plus en plus fictives... mettant en place à chaque fois des structures qui, paradoxalement, ont des pouvoirs supranationaux, tout en ne représentant aucune légitimité politique et démocratique...
Bref, un système bâtard, où notre Président, notre Ministre des Affaires étrangères, ainsi que notre Parlement (tous européens) brillent plus par leur pouvoir de nuisance que par les initiatives politiques qu’ils pourraient prendre, pour impulser des politiques différentes, et/ou remettre en cause les diktats de certains pays (notamment ceux de la GB concernant la financiarisation ou encore ceux de l’Allemagne concernant le libre échange international)...
Plus qu’un budget conséquent commun, je pense qu’une politique d’harmonisation fiscale (avec un total bannissement des paradis fiscaux opaques) et sociale, serait beaucoup plus cruciale à atteindre... Seul problème, on s’aligne sur qui ? L’Irlande, l’Allemagne, la France, le Danemark, ou autres ?...
Alors personnellement, j’ai mon idée là-dessus, plutôt que d’essayer d’atteindre une convergence que nous n’aurons jamais, l’Europe déclare illégal le dumping fiscal et social (c’est quand même insensé qu’on doive soutenir l’Irlande ou Chypre qui depuis des années les pratique), et on rend légales en conséquence toutes les mesures de rétorsion et de rééquilibrage à ces dumpings (la TVA sociale substitutive est un des outils possibles, parmi bien d’autres) ; ce qui permettrait en outre de créer un précédent qu’on pourrait ensuite exporter au niveau de l’OMC...
On peut toujours rêver, tant il semble impossible de faire avancer cette Europe, si elle n’est pas au bord de la catastrophe... du moins jusqu’au jour, où il sera trop tard... et où les nationalistes et souverainistes pourront sardoniquement nous dire : « vous voyez, on vous l’avait bien dit... ». Mais dit quoi ? Que des États différents ne peuvent pas prendre des décisions pour le bien commun et l’intérêt général du plus grand nombre ? Vrai, mais stupide et faux en même temps !!!
L’Europe et l’Euro ne sont pour rien dans les décisions que les États ne prennent pas nationalement ; nous en avons perpétuellement des illustrations, ne serait-ce qu’avec la dernière réforme sabotée sur la séparation des activités bancaires... En quoi la France y aurait-elle renoncé à cause de l’Europe et de l’Euro ? En quoi faudrait-il attendre que tout le monde soit d’accord pour protéger nos entreprises et les déposants de la financiarisation folle ?... Malgré les explications alambiquées et sans aucun fondement des banquiers, ainsi que de notre gouvernement, je ne vois toujours pas... En quoi l’Europe et l’Euro empêcheraient les réformes structurelles françaises qui permettraient d’affronter le monde tel qu’il est ? Je ne vois toujours pas...
Et on peut décliner ces seules vraies interrogations pour tous les pays... En quoi Chypre devrait-elle à son entrée dans la ZE la politique délétère de grande lessiveuse des fonds maffieux russes et son choix de devenir une place financière opaque qui truste 5 fois son PIB ?...
La seule vraie responsabilité de l’Europe est effectivement, au nom de la « liberté libérale » de laisser faire et d’intervenir ensuite comme un pompier pyromane... Oui, l’Europe a des responsabilités, mais pas plus, et même plutôt beaucoup moins, que tous ces politiques nationaux qui refusent de prendre les décisions qui permettraient de protéger leurs populations et leur économie de tous les prédateurs, notamment financiers...
Pour les amnésiques, souverainistes, nationalistes, et également les soi-disant économistes...
Personnellement, je préférerais qu’on traite les causes, plutôt qu’il y ait scission monétaire. Pour des raisons simples… Peut-être certains d’entre vous sont trop jeunes ou n’ont pas la mémoire de ce qui se passait quand le Franc existait, mais en aucune façon (à partir de 1971) celui-ci n’a permis de retrouver des compétitivités perdues, d’infléchir la progression des endettements, d’attirer des investisseurs, de redonner du boulot à ceux qui le perdaient, ... ni même de faire en sorte que le plus grand nombre de citoyens arrête de s’appauvrir.
Tous les thuriféraires du retour au Franc, oublie systématiquement de se rappeler, que de 71 à la création de l’Euro, on a déjà tout essayé comme politique monétaire : le Franc filant, le Franc mou, le Franc fort, ... ; et que ce fut à chaque fois des échecs cuisants, incapables de régler simultanément inflation, chômage, endettement, investissements et pouvoir d’achat... Aussi, c’est vraiment une escroquerie intellectuelle d’essayer de faire croire qu’on pourrait faire aujourd’hui ce qu’on n’a jamais réussi à faire hier, alors même que les conditions internationales et nos choix libéraux ont encore aggravé nos relations de dépendances…
Pire, c’était une époque où des fonds spéculatifs, comme celui de Soros (et même d’autres d’origine française), pouvaient en quelques jours mettre à genou quasiment n’importe quelle monnaie européenne, en vidant les banques centrales de leurs réserves, jusqu’à ce que la monnaie finisse, en désespoir de cause, par décrocher, faisant engranger de colossaux profits aux spéculateurs, pendant que les populations subissaient les pertes de pouvoir d’achat…
Donc, échanger une relative et très imparfaite « sécurité », pour une certitude absolue que nous nous mettrions encore plus sous la coupe des spéculateurs internationaux, très peu pour moi. À titre de comparaison, la première banque chinoise, c’est une capacité d’intervention sur les marchés monétaires de 2 fois le PIB français, cette seule banque (il y en 3 comme elle en Chine) pourrait d’un claquement de doigts nous dicter notre politique monétaire. Je ne partage donc pas du tout, les fantasmes de ceux qui pensent magiquement qu’on serait assez fort pour faire face tout seul, à de tels monstres prédateurs...
Le seul résultat « positif » que je verrais à une sortie de l’euro, c’est que chaque banque pourrait embaucher 17×16/2 = 136 traders et elles auraient donc, 136 marchés nouveaux pour spéculer ; ce qui ferait indiscutablement baisser le chômage parmi ceux-ci ; du moins, si elles survivent (ce qui me semble très peu probable) à l’évident chaos que déclencherait le retour aux monnaies nationales... c’est à peine une blague…
Aussi, il faut arrêter avec la pensée magique concernant ce que permettrait de faire une indépendance monétaire… Dans notre système mondialisé, comme je l’ai déjà longuement exposé dans cet article, c’est une illusion totale. Aucun pays n’a jamais démontré qu’il pouvait résoudre ses problèmes en trafiquant sa monnaie, sans autres facteurs contextuels (comme, par exemple, l’indépendance énergétique) ; tout en se soumettant aux diktats de « libre-échange », des interdépendances financières, de la financiarisation, et en restant dépendant du bon vouloir des marchés financiers ! Et c’est donc bien ces derniers termes qu’il faut traiter avant tout… plutôt que de rêver sur ce que pourrait nous rendre comme soi-disant « pouvoir » une indépendance monétaire totalement fictive dans l’état actuel de la mondialisation et de nos choix libéraux…
Une sortie de l’Euro ne changerait absolument pas les règles qui prévalent sur les marchés financiers mondiaux et ne nous donnerait, donc, pas plus les armes pour y faire face… arrêtons de rêver et penchons-nous plutôt sur les vrais problèmes à résoudre, pour que toutes les Nations des États-Unis d’Europe cessent de se comporter, comme des imbéciles, immatures et irresponsables, qui ne défendent que leurs intérêts opportunistes à court terme...
Conclusions, sans (presque) aucun espoir...
Alors, qui est responsable ? Tout le monde, puisque nous sommes responsables des politiques au ventre mou que nous élisons ; mais personne, puisque « l’offre politique » se décline en une pensée unique « on/off », qui conduit la plupart des citoyens à penser qu’il n’y aurait pas d’alternatives entre le « toujours plus de la même chose », par rapport à « on casse tout et on recommence, tout seul »...
Cependant, nos élus nationaux, si démissionnaires dès qu’il s’agit de porter et de faire aboutir les vrais sujets, ne devront pas s’étonner quand un Beppe Grillo s’imposera en France, ou encore si en 2017, nous avons un deuxième tour entre Marine et Jean-Luc. Au rythme où s’enchaînent leurs renoncements et leurs trahisons, je m’étonne qu’ils arrivent encore à faire illusion... et même qu’on leur tende encore un micro pour recueillir des « pensées » que tout le monde sait mensongères...
Le pire, c’est que manifester de la colère vis-à-vis des pouvoirs et des élites est forcément du populisme... alors que ce n’est que du désespoir et de la révolte d’avoir été tant trahi...
La seule note d’espoir nous vient du peuple islandais.... Quand vous serez reposés de ma pénible rhétorique, lisez ces exceptionnelles interviews de Ólafur Ragnar Grímsson, Président de l’Islande...
À beaucoup de points de vue, il s’y trouve beaucoup de phrases superbes et d’une sagesse profonde, qu’il faudrait encadrer ; mais il y en a 2 qui font toute la différence avec nos politiques à nous :
- « Ce serait une erreur que de voir notre expérience à travers cette vieille grille de lecture politique. En Islande, les partis de droite et de gauche ont été unanimes sur la nécessité de protéger le système social. Personne, à droite ou au centre, n’a défendu ce que vous appelleriez des « politiques de droite ».
- « Les agences de notation, les grandes banques, tout le monde avait tort. Et moi aussi. »
Un politique qui dit « j’avais tort », vous ne sentez pas comme on respire tout de suite mieux, comme tout à coup on peut éviter de lui en vouloir et même continuer à lui faire confiance… ça fait une sacrée différence avec les nôtres, non ? Depuis combien de temps n’a-t-on pas entendu un seul mot de cet ordre-là dans notre classe politique ?…
Comme dans tous les pays nordiques, il y a une cohésion politique et sociale sur l’essentiel ; mieux personne n’est en désaccord sur les fondamentaux et les buts à atteindre pour l’intérêt du plus grand nombre. Le vrai sens du débat et de la dispute politique là-bas, c’est « comment, on fait, pour atteindre nos objectifs communs ? » (le seul et quasiment unique but de ce blog) ; là seulement, des divergences de méthode sont fondées, tout le reste c’est penser que l’idéologie a le pouvoir de régler les problèmes... une foutaise persistante, dont l’histoire nous a perpétuellement démontré dans le meilleur des cas l’inefficacité, et dans le pire l’horreur.
Ce peuple-là est vraiment un exemple à suivre, notamment parce que, pour l'instant, il apprend de ses erreurs... Donc personnellement, je continuerai à les envier...
On rêverait vraiment d’atteindre cette maturité en France, et que la « Déclaration des droits de l’homme » et le programme du CNR ne fassent plus débat, sauf pour savoir comment on va les rendre réels…
Cela dit, si les Islandais sont en cours de réforme constitutionnelle, c'est bien qu'ils ont compris (eux) que leur système démocratique n'était pas le bon, pour ne pas les avoir protégés des dérives et du gouffre... Je nous souhaite d’atteindre un jour cette maturité-là, sans avoir à subir les délires souverainistes et nationalistes...