Première date de publication : 26/09/2006 Date de la dernière mise à jour : 10/2012
Afin qu’on ne se méprenne pas sur mes intentions et les finalités visées, cette partie légitimement fort sensible mérite des explications conséquentes.
Toutes mes propositions proviennent de mes expériences d’expert-comptable (en 20 ans d’exercice, j’ai eu à conseiller plus de 2 000 entreprises) et de dirigeant d’entreprises (7 directions d'entreprise à mon actif).
J’ai personnellement expérimenté pas mal de systèmes de gestion, de l’autogestion pure et dure, aux formes participatives douces. Les seuls qui ont véritablement échoué sont ceux qui avaient adopté l’autogestion… Les raisons en sont multiples, mais ce dont je suis sûr, c’est que le contexte actuel ne permet pas de faire émerger le moindre début de prise de conscience que chacun peut devenir maître de son destin, car nous sommes enkystés dans des logiques où c’est toujours "la faute à quelqu’un d’autre"… ce qui est malheureusement en partie vrai dans nos systèmes actuels.
Quand j'ai commencé à exercer en 84, j'arrivais encore à rendre totalement autonomes les entrepreneurs (j’ai fait beaucoup d’aide à la création d’entreprises). Avec une formation d'une semaine, ils pouvaient faire la paye, respecter leurs obligations légales et tenir leur comptabilité courante. La répartition de mes temps de facturation de conseil était alors de 20 % pour le suivi administratif (incluse la comptabilité), et 80 % pour la gestion ; ce qui avait pour principales conséquences que je n'ai jamais eu un seul client qui ait déposé son bilan et que la plupart ont largement prospéré.
Aujourd'hui, la proportion s'est totalement inversée et je défie quiconque (même un énarque) d'arriver à faire une simple fiche de paye sans l'aide d'un ordinateur et d'un expert-comptable qui plus est, spécialisé en droit social (ce qui ne lui évitera pas d'en perdre également son latin tant les lois et les jurisprudences sont mouvantes et complexes).
Aussi, je pense qu'il est devenu crucial de frapper un "grand coup" pour renvoyer chacun à ses responsabilités. Le plus urgent est de briser les resucées qu'on entend depuis 20 ans où "rien n'est jamais possible à cause de…" ; de couper l'herbe sous le pied aux dirigeants, afin qu'ils ne puissent plus inventer d'excuses… Pour cela :
● Il faut donner un peu aux patrons, pour obtenir beaucoup par ailleurs. Si on leur libère un peu de ressources, qu’on arrête de les culpabiliser avec l’argent qu’ils gagnent et qu’on leur permette un peu de flexibilité, la grande majorité est tout à fait prête à jouer un jeu social différent
[F001].
● Les circuits et contraintes administratives mobilisent beaucoup trop de ressources. Il faut libérer ces ressources et remettre les gens à produire des choses utiles pour la société et les entreprises. (personnellement, j'ai toujours préféré rémunérer un commercial, un chercheur ou un créatif de plus, plutôt qu’un comptable).
● Il faut garder à l'esprit que ce n’est pas en prenant des mesures frontales qu’on arrive à modifier en profondeur les problèmes, mais en mettant en place des systèmes qui vont générer une histoire qui va modifier petit à petit les comportements.
Pour ceux qui seraient sceptiques sur la capacité des patrons à jouer un jeu social différent…
S'il y a une chose dont je suis sûr, c'est que je ne me sens plus du tout en accord avec tous les clichés et généralisations surannés qui sont encore véhiculés sur eux dans la plupart des milieux de gauche. J’en arrive même à penser que depuis de nombreuses années la gauche se trompe totalement d’ennemi en s’attaquant perpétuellement au grand patronat ; qu’elle ferait mieux de se préoccuper de tous les systèmes institutionnels et politiques qui bloquent toutes les réformes et empêchent toute évolution des mentalités. Les patrons ne sont vraiment pour rien (ou si peu) dans l’immobilisme de la France et ses piètres prestations économiques.
Je ne voudrais pas généraliser à partir de ma longue expérience, mais je peux vous assurer :
● que l'étiquette politique et la fonction ne font pas les hommes : j'ai rencontré une majorité de patrons de "gauche" qui étaient de parfaits salauds (en plus avec un beau discours pour que ça "glisse" mieux…) et une majorité de patron de "droite" qui avaient une politique sociale exemplaire,
● que la plupart sont des êtres humains tout à fait abordables, sensibles aux conséquences de leurs actes ; à l'exception notable de ceux qui jouent au Monopoly au lieu de gérer ; ce qui devient d'ailleurs une tendance lourde de notre société, dont je pense que les causes se trouvent également dans nos systèmes,
● que la seule façon de les remettre au service du plus grand nombre, c'est de préserver leurs intérêts particuliers.
Je profite de ce dernier point pour que vous essayiez de comprendre la logique de mes propositions dans leur globalité. Je vous invite à faire le compte exact de ce qu'on leur "lâche" (surtout pour qu'ils arrêtent leur sempiternel discours sur leur impossibilité d'investir en France et de créer des emplois) et le compte de ce qu'on récupère… Vous verrez, sans aucune possibilité de biaiser, que les salariés et l'État y gagnent beaucoup plus qu'eux… Vous constaterez également que les seuls qui vont véritablement payer beaucoup plus ce sont les spéculateurs qui jouent à la "concurrence des misères"… et que pour autant j'autorise tous les autres à s'enrichir, en leur facilitant la tâche. Je ne dis pas qu'à terme ils n'inventeront pas autre chose pour continuer à se déresponsabiliser ou en vouloir toujours plus, mais on aura le temps de les voir venir, je pense…
Par ailleurs, je ne crois pas que "tout ce qu'on leur a déjà donné" constitue vraiment des cadeaux de nature à changer quoi que ce soit, sur le fond… Non, c'est de la "mesurette", car, dans le même temps, on a transformé toutes les entreprises en annexes administratives de l'État, en perceptrices d'impôts, où il y aura bientôt plus de gens payés à faire respecter des textes abscons, à remplir des déclarations (108 déclarations en moyenne par an pour une entreprise entre 10 et 50 salariés au régime fiscal du réel normal / un peu moins pour celles qui ne dépassent pas 10 salariés / et beaucoup plus pour celles qui en ont plus de 50) et à faire des chèques, qu'à produire des choses utiles. Tout ce temps qui ne cesse d'augmenter, donné à l'État ou à des institutions à un coût qui n'est jamais remboursé, c'est en fait un impôt complémentaire qui ne dit pas son nom, à travers le fait que les entreprises doivent payer toujours plus de cols blancs pour répondre à leurs obligations, que l'État se garde bien d'assumer, alors qu'il est à l'origine de ces mêmes contraintes.
S'il y a des gens auxquels il faudrait donner la palme de la flexibilité, c'est bien à tous les dirigeants d'entreprise qui ont dû s'adapter aux délires législatifs de nos élus, avec toujours plus de contraintes et sans aucune contrepartie. Dans les grandes entreprises, il y a des gens payés à plein temps pour faire face à ces obligations. Dans les PME et TPE, c'est le dirigeant qui doit porter toutes les casquettes… Si on avait dit à certains patrons que pour diriger une entreprise, il faut également être un spécialiste du droit du travail et des sociétés, de la gestion du personnel, de la fiscalité, des législations sur la sécurité ou autres, et qu'en plus, s'ils se plantent, ils n'ont pas droit au chômage et perdent tout (le plus souvent par le jeu des cautions bancaires qu'ils ont dû donner), je ne suis pas sûr que finalement ils n'auraient pas préféré être fonctionnaires.
Bizarrement, pour un pays qui se targue d'égalité et de fraternité, aucune loi n'oblige les dirigeants à travailler en permanence moins de 50 à 80 heures par semaine… ces hommes et ces femmes-là seraient-ils définitivement en dehors des lois communes ? Ça n'excuse rien de leurs comportements parfois antisociaux, de leur éventuelle rapacité ou inhumanité, et ça n'en fait pas des héros pour autant ; cependant, il serait tant de leur rendre un statut "d'humain" et d'arrêter de leur reprocher autant leurs réussites que leurs échecs…
Aussi, pour vous dire le fond de ma pensée, je ne pense pas que ce soient les patrons qui actuellement sont les plus réactionnaires en France, les plus opposés aux changements ou qui ont le pouvoir de faire échouer toute réforme ; ce sont les hommes politiques (est-ce que vous vous rendez compte qu'il y en a qu'on supporte depuis plus de 30 ans, qui ont tous, peu ou prou, eu le pouvoir sans véritablement rien en faire !!!), les syndicats, et toutes les corporations organisées auxquelles l'État a délégué, puis abandonné ses responsabilités (Sécurité Sociale, caisses de retraite, tribunaux élus, etc.). C'est toujours devant eux que tous les gouvernements ont reculé, que toutes les vraies réformes ont abouti dans des tiroirs, … D'où, au risque de me répéter, l'urgence vitale des réformes institutionnelles pour re-légitimer les pouvoirs, comme préalable indispensable à tout changement en profondeur…
Je crains, j'imagine sans peine et je déplorerais,qu'une certaine gauche ne se reconnaisse pas du tout dans les propositions qui suivront… Mais, je sais par expérience, qu'on ne résout pas les problèmes en perpétuant ou même en aménageant les systèmes qui les ont créés… Les structures qui les ont créés doivent tomber ou être déplacer pour réinvestir des dynamiques créatrices.
Malheureusement nos politiques continuent à confondre les objectifs à atteindre avec les moyens à employer, donc à politiser bêtement ; en fait, à donner une valeur idéologique aux actes et c'est pour cela que rien n'avance ("Quand les drapeaux sortent, l’intelligence s’exprime avec des trompettes" et en matière de croyances il est vrai qu'il n'est pas évident de dépasser des problèmes qui tiennent plus de la foi et des intérêts particuliers que de la rationalité). Il ne faut pas confondre les buts à atteindre avec les moyens à mettre en œuvre. Quand je pense qu'il y a encore des gens qui passent leur temps à réfléchir, en se demandant si dans l'absolu une baffe est de gauche ou de droite. Non, la vraie question est par exemple : est-ce que cette baffe, dans ce contexte donné, est susceptible ou non d'arrêter et de faire évoluer vers un mieux ce gamin qui déconne ?
Pour ça évidemment, il faut aussi avoir le courage d'aller jusqu'au bout des constats. Les actes (sauf quelques exceptions…) n'ont pas de valeur idéologique en soi, ils ne prennent leur sens qu'en fonction d'un contexte et des effets que dans ce seul contexte donné ils produisent… A nous d’être assez intelligents et surtout souples, pour adapter rapidement les mesures qui produiraient trop d’effets pervers et d’abus.
Encore une chose importante, pour ceux qui ne liraient que cette partie des propositions (merci Etienne de m'avoir rappelé mes devoirs de clarification)…Je sais bien que la partie "droit du travail" est la plus dure à "digérer" et croyez-moi, compte tenu d’où je viens et de ce que je suis, ça n’a pas été facile pour moi de faire ce chemin… Pour autant, je ne pense pas que j’ai viré ma cuti à droite, au contraire… J'espère réussir à vous donner les bonnes justifications et par ailleurs, il y a beaucoup de contreparties (par exemple, vous pourrez lire dans la partie "sociale", comment je renforce l’efficacité et l’aide publique pour tous ceux qui sont en difficultés ou comment dans la partie "justice", je moralise le droit des affaires). Je ne laisse personne à poil ou sur le bord du chemin, au contraire, … sauf les purs spéculateurs. Les partenaires sociaux danois ont fait ce chemin, en gros, TVA sociale + flexibilité contre mesures sociales renforcées ; en échange ils ont maintenant un chômage en dessous des 6% et une balance commerciale excédentaire ; pourquoi cela ne serait-il pas possible en France ?
Par ailleurs, je pense que tous ceux qui s’interrogent sur le droit du travail devraient venir faire un stage dans une direction d’entreprise pour comprendre comment concrètement certaines lois rendent fous, comment elles ont permis des perversions de tous ordres et surtout comment elles encouragent les délocalisations… Il y a un cycle infernal de régressions sociales à briser. Tout démontre que si on ne veut rien changer, les richesses économiques se feront ailleurs et sans nous.
Il y a vraiment urgence à débloquer le système, la Chine a déjà en réserves monétaires de quoi mettre l’Europe et les Etats-Unis à genou, attendons encore un peu et il ne sera vraiment plus possible d’inverser le cours des choses. Imaginez qu’ils s’allient un jour avec les Japonais (heureusement pour nous, encore pour un certain temps leurs ennemis héréditaires) et l’Europe et les Etats-Unis seront foutus… C’est chez nous qu’ils enverront de l’aide alimentaire…
S’il y a environ 400 propositions, c’est bien parce qu’aucune n’a de sens toute seule sans les autres… Je le précise à plusieurs reprises, quelqu’un qui s’emparerait d’une ou de quelques propositions, sans tenir compte de celles qui corrigent les effets pervers et de l’ensemble du plan, serait à coté de la plaque… comme le seraient, d’ailleurs fort justement, ces mesures de modernisation du droit du travail, s’il n’y avait rien d’autre à coté.
Personnellement, je ne pourrais me battre pour aucune de ces propositions en particulier et je me battrais même contre, si quelqu’un voulait n’en appliquer que quelques unes… Ce n’est pas du "à prendre ou à laisser", c’est parce que je sais par expérience que les politiques de saupoudrage, non seulement ne changent strictement rien, mais en général aggravent les problèmes. Ou pour paraphraser Einstein : on ne corrige pas un problème, on change le système qui l’a généré… Alors qu'il soit bien clair que sans le reste du plan, je suis contre toutes les propositions, je dis bien toutes sans exception, que je vais vous soumettre maintenant.
● Simplification du droit du travail (voir les études Brunhes
[F002], suppression des conventions collectives et intégration dans le code des particularités vraiment spécifiques à certaines branches d’activité.
Non accessoirement : qu'est-ce qui empêchent tous ceux qui vilipendent continuellement les patrons de démontrer qu'ils sont capables de mettre en place d'autres fonctionnements sociaux ? Auraient-ils peur de devenir patrons ou est-ce plus "confortable" de critiquer et de revendiquer plutôt que d'agir ? Mais peut-être que l’échec cuisant de toutes les grandes coopératives a fini par refroidir les ardeurs autogestionnaires de nos plus fervents militants qu’on n’entend d’ailleurs même plus sur le sujet ; comme mes propres expériences ont fini par me démontrer que ces systèmes, même quand ils fonctionnent productivement, sont des tissus de mensonges humains où l’apparence n’est jamais en phase avec la réalité des comportements et des avidités personnelles ; jusqu’à créer une espèce de schizophrénie qui finit par faire éclater le groupe.
"L’aménagement du temps de travail", 20 ans de jurisprudences et de remaniement des textes ont généré un monstre de complexités d’obligations légales : ● le calcul des temps effectifs de travail est différent de celui du mode de calcul des rémunérations,
● qui est encore différent du mode de calcul des congés payés,
● qui est encore différent du mode de calcul des temps de récupération ,
● qui est différent du mode de calcul des taux de majoration applicable aux heures supplémentaires,
● qui est différent selon les seuils de temps total hebdomadaires, mensuel et annuel et de la catégorie des jours en question,
● qui est différent en fonction de la taille de l’ entreprise et qui diffère encore en fonction de la convention collective et d’éventuels accords ou pas,
● tout ça différant encore en fonction du statut du salarié et du meilleur calcul pour lui… et j’en oublie forcément…
Aucun logiciel ne peut gérer ça automatiquement et je suis sûr qu’environ 50 % des fiches de paye, émises par des cabinets d’expertise comptable, sont actuellement fausses, indifféremment d'ailleurs en faveur de l'employeur ou de l'employé… pas volontairement, juste parce que si on veut faire correctement les choses, il faut tenir extra-comptablement au minimum 3 tableaux récapitulatifs des informations, salarié par salarié…
Le temps detraitement de la paye a été multiplié par 4… Une autre des conséquences, c’est que les Prud’hommes sont encombrés de litiges abscons portant sur des problèmes formels et d’interprétation des lois. Il m’est arrivé moi-même d’appliquer pendant plus de deux ans ce que j’avais compris de nouvelles règles en sachant très bien que les Tribunaux pourraient en avoir une autre interprétation. Ce problème d’interprétation a, bien évidemment, donné lieu à un contentieux dans une autre entreprise et la cour de cassation a finalement tranché en fonction de ma compréhension des textes. Mais il aurait pu en être autrement, aurai-je pour autant été un salaud ?
Ça, c’est juste pour le droit du travail… Mais je peux prendre n’importe quel secteur de la gestion d’entreprise et vous comprendrez rapidement que quand on passe plus de temps et d'énergie à essayer de respecter la loi ou pire à simplement essayer de la comprendre, plutôt qu'à produire des choses utiles ou à gérer, c'est qu'il y a quelque chose qui a disjoncté.
C'est même pour ça que je ne veux plus faire ce métier d'expert-comptable, je n'en peux plus de devoir assumer pour des patrons paumés la connerie, l'absurdité, le non-sens et l'inutilité… au lieu de les conseiller sur la gestion, le management et leur développement. Comment puis-je justifier à un patron que même s'il a raison sur le fond, le droit jugera qu'il a tort (parfois à cause d'une simple procédure formelle qu'il n'aura pas suivie) et qu'en plus il me paye principalement pour lui faire respecter des règles aberrantes ?
Le pire c'est que les professionnels savent que tout ça est devenu absurde, mais ne semblent avoir aucun moyen de faire changer les directions prises, … peut-être parce qu'ils ne sont par énarques.