a - Première histoire
Avril 2005 à la suite d’une bronchite et d'une douleur thoracique persistante, je passe une radio de contrôle des poumons… Une toute petite tâche suspecte près de la plèvre (Je cite : probablement d’origine cicatricielle) est détectée et ma toubib, perplexe sur le diagnostic, m’envoie faire un scanner.
Les hôpitaux ne prennent plus de gens non envoyés par leurs services internes et il faut donc trouver un cabinet de radiologie en ville. Je mets un certain temps (un mois entre mes recherches et la date de rendez-vous) à en trouver un, dans l’Est parisien, qui ne m’obligerait pas à traverser tout Paris.
Résultat : scanner confirmant la tâche suspecte sans autre précision, avec prescription d'affinage de diagnostic à faire dans deux mois avec un autre scanner ou un prélèvement… Par les hasards du calendrier (vacances et absences), je ne peux apporter ces résultats à ma toubib que début septembre.
Là, branle-bas de combat, elle s’inquiète et m’envoie à la consultation de pneumologie de Tenon.
Donc, retour à la case hôpital où l'on m’a refusé précédemment de faire le scanner. Je vous passe les détails pour obtenir un rendez-vous : j’ai juste dû rappeler 6 fois à différents jours et heures ouvrables, car seule une personne du secrétariat semblait connaître le planning de mon docteur et elle n’était manifestement pas toujours là aux différents jours et heures ouvrables.
22 septembre, le médecin me reçoit à 15 h, alors que mon rendez-vous était à 14 h 30 ; cependant à sa décharge, il semble avoir préalablement étudié le dossier des examens que je lui avais laissé. Il me dit (évidemment) qu’il faut faire un check-up approfondi et que cela se fait par une hospitalisation de jour pour l’ensemble des examens ; soit : des analyses et les gaz du sang, une exploration fonctionnelle respiratoire, une échographie abdominale, une radio, un scanner, une bronchoscopie, et peut-être un PEP Scan.
Ce docteur, très sympathique et très compétent au demeurant, est quand même quelque peu maladroit dans ses explications, je le cite : sur 1 000 fumeurs, 246 révèlent une anomalie au scanner et sur les 246 et il y a une "chance" sur 10 pour que ce soit un cancer… Une chance ou une malchance ? Et si c’est une chance, elle est pour qui ? L’usage des mots n’est pas anodin, même si en anglais le mot chance veut dire également hasard… surtout quand il me fait préciser si j’ai une mutuelle. Oui par chance, j’ai une mutuelle…
Je vais donc dans son service de pneumo pour prendre un rendez-vous. Bizarrement, la journée d’hospitalisation se transforme en deux journées, car il ne semble pas possible de caser tous les examens le même jour… Rendez-vous pris donc, pour dans deux semaines…
Mais pourquoi a-t-on besoin de m’hospitaliser pour des examens que je pourrais faire en prenant des rendez-vous à la suite ou sur plusieurs jours ? Cela reste une question à laquelle je n’ai pas de réponse. À moins que le coût de ces examens ne soit majoré de la journée de prise en charge hospitalière (et même 2 dans mon cas), ce qui est toujours bon à prendre pour un hôpital… On me demande de faire une pré-admission, à l’autre bout de l’hôpital, ce que je fais… Mais il faudra quand même que je me représente à ce bureau le jour de l’admission à 7 heures pour mon rendez-vous dans le service également à 7 heures…
En sortant, je m’inquiète de savoir où payer ma consultation, car personne ne m’a rien dit et je me demande ce qui se serait passé si je n’avais pris l’initiative de vouloir payer ma dette… Retraversée de l’hôpital pour trouver une caisse…
5 octobre, réveil au radar à 6 heures du mat ; je me présente donc à 7 heures au bureau des admissions… pour me voir remettre une planche d’étiquette. Je demande alors s’il n’aurait pas été possible de me la remettre à ma pré-admission, mais évidemment non ça n’est pas possible, sans autre explication…
Je crois que je suis en retard en me présentant au service de pneumologie à 7 h 15 avec ma feuille de convocation où il est marqué 7 h, mais je trouve porte close… Une infirmière finit par m’ouvrir et je l’entends me dire : "Mais qui vous a convoqué à 7 h ? C’est pas banal d’avoir un patient en avance…". Si je n’étais pas autant dans le coaltar et à 8 de tension, je lui dirais bien ce que je pense de ses réflexions, mais qu’est-ce que ça pourrait bien changer, on ne va pas commencer à se fâcher tout de suite…
Installation dans une petite pièce de 2 mètres par 2 avec 3 fauteuils, totalement inconfortables qui ne permettent pas d’avoir les pieds par terre. Puis l’attente, les longues attentes commencent…
A 7 h 50, l’infirmière qui m’a accueilli me prend ma tension et me fait une prise de sang.
A 7 h 55 arrive un autre patient qui va faire le même circuit que moi…
A 8 h 15 une infirmière m’accompagne au premier étage (des fois que je me perde…) pour l’exploration fonctionnelle. Je poireaute une demi-heure avant d’être pris. Puis gaz du sang… Là, la toubib me précise que l’examen sera un peu faussé par le fait que je viens de respirer du CO² à l’examen précédent (SIC)… Mais alors pourquoi ne pas l’avoir fait avant l’exploration fonctionnelle ? Pas de réponse…
Puis retour au service de pneumo à 9 h 15.
9 h 30, ma guide m’accompagne à la radiologie dans un autre bâtiment… Re-poirautage… Notamment en attendant que la personne de l’accueil daigne bien lever les yeux, ce qu'elle se garde bien de faire, au risque de constater que 6 personnes attendent qu’elle termine la conversation téléphonique totalement privée qu’elle est en train de tenir à grand renfort de chuchotages. Cela irrite visiblement ma guide et je l’entends marmonner "fonctionnaire" (apparemment la nouvelle insulte suprême entre collègues), puis s'adressant à moi "ça me met en colère, mais il vaut mieux que je me taise…" ; sous-entendu : "parce que sinon je deviendrai vraiment méchante ou parce que ça ne servirait à rien…" je ne le saurai pas.
A 10 h 15 je suis au sous-sol pour l’échographie et le scan prévu après pour 11 h.
Là, j’ai largement le temps de voir défiler et vivre tout un service… assis très inconfortablement sur une banquette avec des coussins auréolés de diverses taches de provenances inconnues, mais sans rien pour soutenir le dos, si ce n’est le mur…
Globalement pour 2 personnes qui semblent s'affairer, 3 autres sont en train de discuter ou d’attendre…
J’assiste à quelques scènes ubuesques, comme un médecin qui dit à 2 brancardiers qu’il faut débloquer le frein de leur lit (ultramoderne) pour qu’il soit plus facile à manœuvrer… Et la réponse ébahie d’un des brancardiers : "c’est donc pour ça que ça été si dur de le descendre du troisième". Mais oui mon bon, que je me dis en moi-même, pour avancer des roues qui tournent c’est plus facile que des roues fixes… L'âge et la découverte de la roue qui tourne n'ont visiblement pas encore atteint le personnel de cet hôpital, car durant mon attente cette scène de déblocage de frein à l’arrivée se répétera encore deux fois…
11 h 15, je m’inquiète auprès de l’accueil de n’avoir pas encore été appelé. Réponse sèche : "Vous attentez, on vous appellera."
11 h 45, je vois arriver ma guide qui s’inquiétait de ne pas me voir revenir… Effectivement, il y a un problème, ma fiche a été perdue, mais personne n’est responsable du fait que mon "ticket" ait été arraché sans être traité.
Branle-bas de combat, on m’installe dans une salle d’échographie, torse nu, l’infirmier sort et éteint la lumière… Au bout d’un quart d’heure ne voyant personne venir, je me relève, allume la lumière et me couvre, car j’ai froid… J’ai le temps d’explorer la salle et de m’apercevoir qu’il ya des poils collés à certains ustensiles d’exploration… Berk… Un superbe panneau trône, collé en plein milieu du mur : "Veuillez nettoyer les ustensiles après usage…".
Finalement un quart d’heure encore après une toubib arrive et la première chose qu’elle me dit, c’est : "je ne suis pas responsable…". Je ne lui ai pourtant posé aucune question, ni fais aucun reproche… Mais bon, il faut croire que ça la soulage… De même, elle me dit que j’ai de la "chance" d’être dans les mains du docteur X, qui est très humain et très compétent… Une idylle naissante peut-être ? J’ai peur pour les autres qui sont dans les mains du docteur Z ou W…
Examen expédié en 3 minutes, montre en main… Elle me plante là tout seul dans la salle, sans un autre mot, sans me dire si l'examen est normal ou pas. Mais je ne dis rien, car je suis trop content d’avoir échappé aux ustensiles souillés…
Il est 12 h 20 et comme pour le scan c’est trop tard (ils sont paraît-il en maintenance), il faudra revenir pour 14 h… Je retourne donc au service de pneumo… où l'on me sert un déjeuner. Je suis à jeun depuis la veille et c’est pas de refus ; j’en profite pour me demander en moi-même, qu’est-ce qui justifiait de me laisser à jeun après les prises de sang... Bon, ils ont peut-être oublié, ils sont tellement surchargés ; ce qui semble vrai pour les seuls personnels des services d'hospitalisation…
Le patient, qui est arrivé juste après moi, a fini les mêmes examens, plus la bronchoscopie, depuis midi… et il commence à s’épancher pour finir en sanglots en évoquant la perte de son épouse il y a 6 mois, après 55 ans de mariage… Heureusement, une infirmière est là et l’écoute ; c’est celle qui m’a donné le rendez-vous à 7 heures... Je constate qu’elle est meilleure en écoute humaine qu’en gestion de planning… Les quelques mots qu’elle lui dit sont justes et humains.
Moi, c’est les larmes aux yeux, en contenant mes propres sanglots (perdre des êtres proches, j'éprouve encore des années après, ce que ça laisse comme vide rempli de chagrin…) et incapable de prononcer trois mots de suite devant l’effondrement de ce vieux monsieur, que j’arrive péniblement à manger la moitié du plateau-repas que l’on me sert. Mais, ce n’est pas que l’émotion qui m’empêche de manger…
Il se confirme que la plus grande arme thérapeutique que les hôpitaux ont à leur disposition c’est la nourriture qu’ils servent… Personne ne peut supporter au long cours un tel traitement sans rêver de sortir, ne serait-ce que pour absorber une nourriture mangeable.
Je serais prêt à signer n’importe quelle décharge et même à guérir, pour m’éviter d’avoir à subir leur "bouffe" plus de deux jours (mais est-ce vraiment de la nourriture ?). Je ne vous en fais pas le descriptif, ça n’est pas bien de tirer sur les ambulances…
Je prends le relais de l’infirmière avec le vieux monsieur, toujours en sanglots, pour lequel il semble visiblement impérieusement urgent qu’il me raconte toute sa vie, son parcours professionnel, … puis son cancer, celui de son épouse…
Là arrive mon docteur et c’est avec lui que le vieux monsieur s’épanche maintenant. Mon docteur me dit, entre deux sanglots de mon nouvel ami de souffrance, que nous aurons les résultats dans 10 jours et qu’il me tiendra au courant…
Puis, je m’éclipse lâchement en prétextant un besoin de café après ce frugal repas…
Je vais à la cafétéria : 3 m², sans table et sans chaise, à l’autre bout de l’hôpital.
J’ai une heure à tuer et je rentre chez moi (alors que c’est strictement interdit) pour faire mes besoins, car la saleté des 2 WC que j’ai visités au cours de ma matinée m’ont découragé d’y laisser autre chose que mes urines.
A 14 h, je suis de retour au service de pneumo, puis je retraverse l'hôpital avec ma fiche pour l’ultime examen. Attente de ¾ d’heure, dans une salle d’attente vide… Puis, on vient me prévenir qu’il doit y avoir une coupure technique de courant à 15 heures, alors, on va me préparer puis on attendra le retour de l’électricité avant de commencer le scan.
14 h 55, je suis de nouveau torse nu avec une aiguille plantée dans le bras ce coup-ci…
Ici, il faut que je fasse une parenthèse et que je vous avoue quelque chose : cela reste une interrogation existentielle profonde et non élucidée de ma vie que de savoir pourquoi je suis un paratonnerre à emmerdes et également de savoir si tout le monde vit la même chose que moi… Vous savez le genre de gars qui choisit toujours la mauvaise file au supermarché, celle qui tout en étant la plus courte sera celle qui contiendra l’emmerdeur ou l’emmerdeuse qui va bloquer tout le monde… Oui, il faut que je vous dise qu’il était écrit qu’après la coupure électrique, le scan refuserait obstinément de redémarrer… C'est mon destin…
Branle-bas de combat, tout le personnel défile et essaye de redémarrer cette foutue machine, avant que ne soit appelé un agent technique, dont le diagnostic est sans appel : l’arrivée électrique a été calibrée trop petite et la mise en route fait donc systématiquement disjoncter le rupteur principal… Finalement par un subterfuge connu de lui seul, il arrive à faire redémarrer la machine, non sans avoir prévenu qu’il faudra faire venir la société qui a installé la machine pour adaptation ; mais personne ne sait qui a installé la machine...
Il est 15 h 55 et je vais enfin passer ce scan, entre-temps j’ai été me chercher tout seul quelque chose pour me couvrir en piquant dans les blouses des réserves, où j’aurais d’ailleurs pu piquer n’importe quoi d’autre. Personne n’a pensé à me demander si j’avais froid, alors que 7 personnes différentes sont passées et repassées près de moi presque à poil, sans jamais oublier de systématiquement actionner la pompe de la perf pour vérifier qu’elle fonctionnait toujours et tout en s’excusant de ce retard "technique"… Et personne ne m’interrogera sur mes possibles antécédents allergiques au produit iodé… La pompe fonctionne bien merci…
5 minutes plus tard, en sortant, je souhaite bon courage au suivant qu’on a également fait se déshabiller une heure avant… non sans me demander ce qu’ils me réservent pour la bronchoscopie qui doit se dérouler le surlendemain.
Le surlendemain, convoqué à 8 h 45, j’arrive sans culpabilité à 9 h. Comme un funeste présage, une traînée de sang frais court tout le long du couloir sur 60 mètres du parcourt qui me mène au service, puis elle bifurque à gauche alors que je vais à droite. Ils n’ont pas de service de nettoyage dans cet hôpital ? Mais non suis-je bête, j’ai constaté avant-hier que cette fonction était sous-traitée à une entreprise extérieure…
Je rencontre dans l’ascenseur deux personnes en tenue de ville que je verrai plus tard à la bronchoscopie avec leur blouse… J’ai donc bien fait de prendre mon temps, car de toute façon arrivé au 3ème, je redescends au 1ier pour attendre une demi-heure.
Puis là, le cauchemar devient réalité.
On m’installe sur un fauteuil et la toubib (probablement une étudiante en médecine vu son jeune âge) commence à m’injecter l’anesthésique local (très amer) dans le nez, puis je ne sais pas quoi, puis un lubrifiant, tout en me disant de renifler, d’avaler et que toutes les sensations très désagréables que je ressens sont normales : sensations de noyade, d’étouffement, resserrement de la gorge, impossibilité de déglutir, toux, …
Puis, sans ménagement, elle m'enfonce son tuyau d’un demi-centimètre de diamètre dans le nez en commençant par me percuter la cloison nasale postérieure en déclenchant un craquement osseux et une vive réaction névralgique qui me fait sursauter de douleur, même avec l’anesthésie locale… Un bourre-pif m’aurait fait moins mal que ça… Mais, elle continue son chemin sans s’inquiéter du malaise général qui m’envahit… Quand elle arrive à mes cordes vocales où elle me demande de dire "héééééé", je lui arrache son tuyau des mains et je ressors tout, avant de m’étouffer dans une quinte de toux…
Mais de quel droit fait-on subir cela aux gens ? C’est inhumain et barbare… Je refuse qu’elle continue et me rhabille. À partir de ce moment-là, plus personne ne m’adressera la parole…
Je dois cependant rester encore un moment, parqué entre un brancard, 2 fauteuils plus un roulant, car il faut que l’anesthésie locale se dissipe un peu à cause du risque de fausse route à la déglutition.
Je suis furieux, mais au bout d’un moment je me rassure sur ma saine réaction… Entre deux bouffées de colère, j’ai entendu la technicienne qui prépare les tuyaux dans la pièce à côté, échanger en minaudant gentiment avec un de ses collègues. Voilà ce que j’ai saisi entre deux avances à peine voilées : ils ont un problème technique avec leur matériel qui a des défauts d’asepsie et il faut que le technicien-chef revienne pour réviser tous les tuyaux (SIC !!!)… Ouffff ! Finalement, j’ai peut-être échappé à une maladie nosocomiale.
Au bout d’une demi-heure, je me lève pour partir, mais on me dit que mon docteur, qui est en réunion, veut me voir ; poli, je me rassieds donc. Entre-temps la patiente suivante me raconte son histoire de pneumonie virale et il semble que cela soit un miracle qu’elle soit encore en vie, car le premier médecin qui l’a vue avec quarante de fièvre a posé un mauvais diagnostic et elle a traîné son problème une semaine avant d’être hospitalisée d’urgence… Bien qu’elle aussi m’avoue avoir eu le réflexe de tout arracher, elle s’enorgueillit d’avoir été plus courageuse que moi et je lui accorde volontiers cette qualité, sans que mon honneur personnel en pâtisse ; il faut une certaine dose d'inconscience et une grande habitude de se considérer comme un objet, face à des "sachant" tout puissants, pour avoir ce type de courage…
10 h 45, arrive le "grand maître" auquel je dis que je ne veux pas subir cet examen sans anesthésie générale. Il me répond alors qu’ils ne font que suivre les prescriptions, car, selon lui, il y a 1 % d’accident avec les anesthésies ; ce qui à mon humble avis est totalement exagéré pour des anesthésies de courtes durées, car mes chiffres à moi sont d'un décès pour 10 000 anesthésies lourdes et je ne sais même pas s'il existe un chiffre pour les problèmes avec les anesthésies courtes… Mais bon, c’est lui qui est censé savoir et je me dis que c’est décidément un mordu de probabilités, bien que les chiffres ne semblent pas être son fort ; à moins qu'il n'ait voulu me faire peur en me mentant. Par ailleurs, je me demanderai plus tard pourquoi il ne m'a pas parlé des autres risques liés à la bronchoscopie : infection, perforation des poumons, hémorragies et autres "joyeusetés", surtout avec des patients qui ne pourraient pas s'empêcher de bouger… Il me propose de me faire lui-même l’examen ; mais là ça va, j’ai mon compte, je refuse. Il me culpabilise en me disant que c’est absolument nécessaire en me laissant sous-entendre que j’ai effectivement un cancer par une tournure de phrase tellement paradoxale que je n’arrive même pas à me rappeler les mots exacts. En dernier recourt, il finit par me dire sur le ton de la punition, que si je ne veux pas faire cet examen il devra m’envoyer dans une clinique... Mais non, vraiment, merci pour tout… J'irai dans une clinique s'il le faut…
Malheureusement, je suis encore trop choqué et je n’ai pas la présence d’esprit de lui répondre que je crois que c’est ce que j’aurais dû faire depuis le début, compte tenu de ce que j’ai déjà subi dans son hôpital…
Sortie à 10 h 55… Bilan de ces 2 jours "d'hospitalisation de jour" : une journée et demie de travail perdue pour des actes dont la durée totale d'exécution a été d'une heure en comptant très large, temps de déshabillage et rhabillage inclus…
Deux semaines après, en rentrant chez moi le soir, je trouve un message (daté du jour à 15 h 30) sur mon répondeur me demandant de me présenter le lendemain à 11 h pour une consultation et de prévenir pour confirmer le rendez-vous… Je suis rentré à 21 h chez moi, comment je fais pour rappeler un secrétariat qui ferme à 16 h ?... et pourtant, ils ont mon numéro de portable…
Cependant, je me présente, non sans avoir eu le temps de m’inquiéter une partie de la nuit, compte tenu que la rapidité de la convocation pouvait laisser supposer qu’il y avait quelque chose de grave…
Diagnostic, rien de spécial : les examens ne révèlent rien de significatif et la taille de la tache n’a pas bougé depuis 2 mois. Cependant, il va falloir faire un PEP Scan pour confirmation et un scanner cérébral pour voir s’il n’y a rien ailleurs… Super, avec le scanner cérébral, je vais peut-être savoir pourquoi je suis aussi con et peut-être même qu’ils vont pouvoir détecter le centre nerveux qui commande le refus de la bronchoscopie et celui qui fait accepter bêtement de refaire un troisième scanner pour explorer une zone qu'ils auraient pu faire au premier passage...
Non accessoirement, je vais devoir aller faire la bronchoscopie en clinique et de toute façon le pronostic de mon médecin est qu’il faudra probablement opérer pour enlever cette tache… non diagnostiquée pour l’instant comme un cancer… mais on ne sait jamais… Ha bon ? ? ?
Même scénario pour régler ma consultation, si je ne demande pas, je repars sans payer… Je vous passe le fait que le guichetier était en formation et qu’il lui a fallu 20 minutes de manipulations diverses et d’erreurs avant de pouvoir me dire que c’était OK…
La convocation pour le PEP Scan, malgré mon rappel de numéro de portable, est arrivée sur mon répondeur de maison pour dans 3 semaines à… 7 h 30 du matin… Ils ne doutent vraiment de rien… et j’ai donc dû rappeler pour avoir une heure de rendez-vous un peu plus décente.
Je vous les fais courtes :
● pour le PEP Scan, temps total : 4 heures, pour un examen qui devrait durer 1 h 30. Les produits n’étaient pas là (SIC ; quand je vous dis que je suis maudit…) et il a fallu attendre. Les conditions d’attente étaient vraiment déplorables, malgré mes objections, on m’a refait le "coup" de me pré-piquer puisque les produits devaient arriver incessamment sous peu ("incessamment sous peu" est équivalent à une heure et plus, dans le langage médical)… Puis, il a fallu aller à l’endroit de l’examen qui est totalement à l’autre bout du service, sans oublier de vider sa vessie avant, dans les toilettes réservées aux radioactifs, mais sans lumière dans le noir, car l’ampoule venait de claquer. Je peux vous assurer que ce n’est vraiment pas facile de viser la cuvette des WC, en tenant la porte avec le pied, pour avoir un peu de lumière (vous voyez la scène ?). Au passage, comme ils étaient en retard sur leur programme (à cause de l’absence de produits), le temps d’attente entre l’injection et l’examen n’a pas été respecté (½ heure au lieu d’une heure), …
● pour le scanner cérébral, j’arrive sans vergogne avec ½ heure de retard et je me fais engueuler. Alors que j’ai l’audace de faire remarquer que la dernière fois ce sont eux qui avaient 5 heures de retard, je m’entends répondre "que je peux aller ailleurs, si ça ne me plaît pas",… Je vous passe les détails, car il y a vraiment des claques qui se perdent…
La bronchoscopie se passera comme une lettre à la poste grâce à l’anesthésie ; malgré la toujours très désagréable sensation d’étouffement due aux liquides inhalés. Bon accueil, bonne prise en charge, bonne attention, pas d’attente… A aucun moment, je n’ai eu l’impression que j’emmerdais les gens qui se sont occupés de moi, avec lesquels j’ai même pu échanger quelques plaisanteries. Par contre, je continue à me demander à quoi peut bien servir l’examen préalable d’anesthésie qui me semble plus formel que réellement une sécurité par rapport à la procédure… Si l’enjeu est de détecter d’éventuelles allergies ou complications (notamment cardiaques), pourquoi ne pas faire un test d’allergologie et un électrocardiogramme ?
Le PEP Scan confirme une fixation modérée au seul point suspect, le scanner cérébral est négatif ainsi que l’examen bronchoscopie, mais le doute persiste… Et le grand chef, dans la semaine de Noël, me demande de refaire un scanner (le 5ème donc)… pour m’annoncer à la fin de la semaine qu’il faut m’opérer de toute façon, car on ne peut pas rester avec ce doute… Je dois dire que j’avais compris depuis bien longtemps que nous en arriverions là...
Semaine d’angoisse où j’hésite vraiment, allant jusqu’à me renseigner sur les cliniques faisant ce type d’intervention, car l’ambiance de cet hôpital m’est vraiment insupportable et les questions sans réponse que je me pose vraiment trop nombreuses. Puis, mon docteur, auquel je fais part de mes hésitations, me fait rencontrer le chirurgien. Je demande à ce dernier : "Vous m’enlevez le minimum, hein ?" Réponse, "Oui, on ouvre et on voit…". Bon, il m'inspire confiance, allons-y puisqu'il faut y aller…
Réexamen d’anesthésie formel et deux jours après admission dans le service de chirurgie thoracique, un dimanche après-midi… Ouf, j’ai une chambre seul…
Accueil chaleureux d’une infirmière, qui fera mon check-up, vraiment très gentille. Je sens que toute son énergie est employée pour me mettre à l’aise et faire les choses au mieux.
Le lendemain opération prévue à 11 heures, on me descendra seulement à 13 heures… Longue attente, toujours trop longue, quand on est mort de trouille… Puis dodo, puis réveil dans la douleur, tuyaux partout, mais qu'est-ce qu'ils m'ont fait pour que j'ai si mal, même sous pompe à morphine et diverses perfusions ?… Envie de pisser, mais impossible… La dextérité de l’infirmière pour me poser une sonde me souffle, je n’ai même pas eu le temps d’avoir peur que j’étais déjà en train de pisser par le tuyau enfoncé dans ma verge… On me remonte dans ma chambre en pleine nuit, avec deux brancardiers qui trouvent drôle de faire la course dans les couloirs… Et puis le temps qui passe, rythmé par la prise des constantes, toutes les 4 heures, les repas que je ne peux pas manger, la toilette, le pompage des drains (très douloureux), les radios journalières, la kinée respiratoire, les visites des amis et de la famille,… et moi comme un légume sonné par la morphine et les divers antalgiques avec mes drains dans le dos, mes deux perfusions et des questions plein la tête… comment est-ce possible que je sois si handicapé pour une intervention sur un lésion suspecte de moins d’un centimètre cube ?
Je crois que sur 5 jours, il n’y a pas 3 heures qui se sont écoulées, sans que quelqu'un ne vienne me réveiller ou me solliciter même en pleine nuit… Rarement les mêmes personnes puisque visiblement avec leur système, ça change 2 fois par jour et tous les 3 jours… A propos des vols dans les hôpitaux, je m’étonne qu’une des personnes de la radiologie (un homme) ait éprouvé le besoin d’ouvrir les placards pour voir ce qu’il y avait dedans… Pas de bol pour lui, le mien était fermé à clef…
Cette literie est vraiment affreuse, impossible de trouver une position qui ne soit pas douloureuse et inconfortable, d’autant que le matelas est tellement fin que je sens les barres qui me rentrent dans le dos, sans même évoquer que je suis souvent trempé de sueur, car il n’y a qu’un drap qui me sépare du plastic du matelas…
Le personne infirmier est dévoué et à l’écoute, à l’exception des petites jeunes en formation qui ont visiblement encore bien du chemin à faire pour se montrer rassurantes avec les patients, surtout quand elles ratent trois fois une prise de sang ou toussent à un mètre de vous sans se détourner et sans mettre leur main devant la bouche, alors que vous vous sentez en état de faiblesse totale…
C’est ma Louloute qui mangera la plupart de mes repas du soir (sinon je me faisais engueuler de ne pas manger, alors que j’ai quelques réserves de graisse qui me mettent à l’abri du besoin et la perfusion qui m’apportait un supplément). Quelqu’un qui peut manger cette bouffe est vraiment trop forte… et chose incroyable, c’est moi qu’elle aime…
Visite du chirurgien qui me dit qu’ils ont bien fait d’opérer, sans autre précision… Visite de mon médecin qui me dit qu’ils ont bien fait d’opérer, sans autre précision…
Puis vendredi, branle-bas de combat, on vient à peine de m’enlever mes deux drains et mes perfusions, qu’on m’annonce que je suis transféré dans le service de pneumologie… Ha bon, pourquoi ? C’est comme ça…
A peine libéré de mes tuyaux, je fais comme je peux, pour réunir mes affaires dans ma valise… Le "sympathique" brancardier qui doit m’emmener dit : "moi je transporte les personnes, je ne suis pas bagagiste" et c’est ma mère de 81 ans qui était là par hasard, qui portera donc la valise…
Arrivé dans le service de pneumologie, on me met dans une chambre à deux, mais je comprends très vite que ça ne va pas être possible… Le patient à coté de moi est sous oxygène, il râle, crache, ronfle, crie (oui crie !), sans aucune pause entre ses diverses manifestations…
Je vais voir l’infirmière et lui demande de me mettre ailleurs ou alors de me laisser partir… Réponse, non ce n’est pas possible. Je demande à voir le médecin de garde pour lui signer une décharge pour me permettre de partir…
Arrive un jeune coq plein d’arrogance, la poitrine gonflée, je lui réitère que ce n’est pas possible de me laisser dans la même chambre que le patient qui est près de moi… Il me dit qu’il n’y a pas d’autre solution, je lui demande qu’est-ce qui s’oppose au fait que je puisse rentrer chez moi (alors que je tiens à peine sur mes cannes), il me répond c’est comme ça, je ne peux pas vous laisser sortir ou alors c’est les flics (SIC). Je lui dis "vous savez, j’ai Bac plus 10 et je suis peut-être capable de comprendre si vous m’expliquer" ; réponse "et moi j’ai Bac plus 12"… Ce type est décidément vraiment une tête à claques… Je lui réitère de me donner les papiers qui me permettront de le décharger de ses responsabilités… Il part…
Arrivé du chef de service suivi de son aréopage, je lui réitère mes demandes, il me répond que ce n’est pas possible, qu’après l’opération que j’ai subie, c’est au moins 7 jours sous surveillance… Il se veut rassurant et me parle… Parmi ces explications deux arguments ne cessent de m’interroger : "on ne peut pas tout avoir ; les cliniques c’est le confort sans la sécurité, l’assistance publique c’est la sécurité sans le confort" et encore : "vous savez j’ai exercé à Phnom Penh et là-bas ce sont des salles de 100 malades et personne ne se plaint"… C’est sûr, il vaut mieux être riche et en bonne santé que pauvre et malade et donc je ne vois vraiment pas pourquoi j’aurais à me plaindre du sort qui m’est réservé…
Bon, je ravale ma colère et prends mon mal en patience… Impossible de dormir, j’appelle pour demander un somnifère et des boules Quiès, mais je ne reverrai jamais l’infirmière revenir avec… J’ai dû être classé comme malade difficile et je dois donc être puni… Nuit totalement blanche… rythmée par les nébulisations toutes les 4 heures du patient d’à coté et de ces diverses manifestations sonores ininterrompues… C’est là que je m’aperçois que finalement, je suis pour l’euthanasie, pour l’élitisme, et même raciste, pour les cas comme celui de mon voisin… Beaux résultats de mes ruminations d’une nuit blanche, à l’opposé des convictions les plus ancrées en moi depuis toujours…
Étonnamment le lendemain en fin de matinée, le patient d’à coté sera déplacé dans une chambre seul… et je pourrai prendre un peu de repos, enfin dans les limites de ce que permet un hôpital sonore où l'on entend tout et où les infirmières oublient quasiment systématiquement de refermer les portes derrière elles.
Deux jours presque sympas avec un personnel de week-end vraiment gentil, dont une ex-yougoslave qui sortait vraiment du lot, un vrai ange dans cet environnement morbide… Elle fait un remplacement et est, en fait, affectée au service de chirurgie thoracique…
Lundi : visite de mon médecin la mine renfrognée… Je lui demande ce qui ne va pas. Il me dit que j’ai eu une conduite inqualifiable et qu’il aurait dû me laisser aller dans une clinique ; et sans écouter ma version des faits, m’annonce que je sors immédiatement…
Personne ne répond au téléphone à cette heure là et je rentre péniblement chez moi avec ma valise, non sans avoir cru que j’allais laisser ma peau en route dès le deuxième étage… J’habite un cinquième sans ascenseur… La transition est vraiment très rude… A cause de malaises récurrents, à plusieurs reprises, je serai tenté d’appeler le SAMU, mais plutôt crever chez moi que de me remettre dans leurs mains…
J’ai un problème kinesthésique à la cuisse depuis mon opération et je vois en consultation la chef de clinique le mercredi suivant… Rien de grave probablement un déplacement de la L4… Examens complémentaires à prévoir dans 15 jours si ça persiste… Je crois la reconnaître, mais oui c’est celle qui a essayé de me faire ma première fibroscopie et que j’avais prise pour une étudiante… Je lui demande qu’est-ce que le chirurgien m’a enlevé exactement et là je suis obligé de m’asseoir. Elle m’annonce qu'il m’a enlevé le lobe inférieur gauche en entier… Je suis atterré… Il m’a enlevé un demi-poumon pour une lésion suspecte de moins d’un centimètre cube ??? Oui… Je comprends rétrospectivement pourquoi c’était si douloureux et difficile, et pourquoi ça l’est encore…
Je rentre furieux chez moi, déterminé à faire un procès à l’institution hospitalière pour cette mutilation invalidante pour laquelle je n’avais pas donné mon accord…
Une semaine après, consultation avec mon médecin ; il a l’air étonné que je lui demande des précisions sur la nature de la lésion. Il me dit qu'il m’avait déjà dit que c’était un cancer, alors que je suis sûr qu'il n’a jamais prononcé ce mot quand il est venu me voir après l’opération. Bien sûr, il m’a dit qu'il y avait quelque chose, mais sans me préciser quoi. Bon mettons cette "surdité" sur le compte que j’étais quelque peu dans les vapes… C’était donc bien un cancer, mais pas grave puisque débutant (moins d’un centimètre), non métastasé, non proliférant et de stade 1A (le plus primaire des stades)… A la question pourquoi un lobe entier pour une si petite lésion ? Réponse : parce que ça augmente de 20 % les chances de non-récidive… et il ya 80 % de probabilité que je n’ai jamais plus rien d’autre… Ce toubib probabiliste me rend dingue…
J’échappe à la chimio (ouf…), non nécessaire dans mon cas, mais surveillance tous les 3 mois…
Ça me donne un sacré coup de vieux… ce qu’on m’a pris ne pourra jamais m’être rendu. Je rentre dans une mini dépression, un vrai deuil à faire en moi sur ce que je ne pourrai jamais plus faire… et renonce au procès, en continuant à me demander si je ne devrais quand même pas en faire un : mais comment pourrais-je défendre devant un tribunal qu’on m’a enlevé un demi-poumon sans mon "consentement éclairé", alors qu’ils pourront faire valoir qu’ils "m’ont sauvé la vie" ? Enfin, peut-être…
Ce qui est sûr c’est que j’aurais pris d’autres avis, si on m’avait dit que cette opération allait se terminer par une lobectomie…
Autre ange à citer la kiné pour la rééducation respiratoire, qui est la seule qui répondra à toutes les questions restées sans réponse et surtout me rassurera sur mon avenir. Outre ses soins, sa patience et ses compétences sans faille, elle m’a donné l’espoir que je ne resterai pas diminué, et c’était vraiment énorme dans l’état d’abattement dans lequel j’étais…
Fin provisoire (?) de l’histoire… avec un épilogue au combien significatif… (NDR : voir suite et fin en cliquant sur la page suivante)