Je vous propose, au préalable, d’écouter Frédéric Lordon (son blog), intervenant à la dernière Fête de l’Humanité dans l’émission « La-bas, si j’y suis ». Il est saisissant de vérité et de lucidité. Son interview commence à la minute 12 et vous pouvez sauter le reste si cela vous ennuie.
Cliquer ici pour écouter l'émission sur France Inter (désolé, la ressource du player n'est déjà plus disponible)
Je ne partage pas toutes ses solutions parce que je pense qu'on peut prendre le système à son propre jeu, sans l'attaquer frontalement... et malheureusement, Lordon (comme tant d’autres) continue à lier les solutions aux problèmes, sans tenir compte des contextes globaux ; cependant, bon nombre de ses analyses sont tout à fait pertinentes.
Il est intéressant qu’il constate, comme moi, qu’il n'y a plus de clivage gauche / droite... la vraie différence se situe maintenant entre ceux qui veulent changer les cadres, ainsi que les règles du jeu, et ceux qui veulent juste "agir" sur les conséquences du système... En gros et caricaturalement, l’UMP protège les riches et le PS dit qu’elle veut protéger les pauvres, mais aucun des deux ne veut changer les raisons qui font qu’on doit « défendre » l’un et/ou l’autre…
C’est extrêmement frappant dans le programme du PS. Il n'existe qu'une seule ligne d'autocritique sur tout ce qu'il a fait quand il était au pouvoir : « La responsabilité de la gauche en général et du Parti Socialiste en particulier est historique : il nous revient de redonner la foi (Sic !!!) dans la possibilité d'un nouveau départ. »
Ce timide aveu (?) se situe page 5, totalement isolé au point qu'on peut se demander comment, il a atterri là.
Sur 110 pages, oublier à ce point que nombre de problèmes énumérés ont été créés par le PS au pouvoir (15 ans de gouvernement quand même, sur les 30 dernières années), ou à cause de leurs votes d'élus (libéralisation des marchés financiers, traité du Luxembourg, puis de Nice, création de l'OMC, oui au TCE, puis au traité de Lisbonne, et cetera, et cetera...), c'est passer un peu vite sur leurs anciens choix, qu'en aucune manière ils ne remettent en cause aujourd'hui. Des vrais autistes et/ou schizophrènes, au choix...
Pour le reste, j’ai déjà dit ce que j’en pensais : les 9/10 des propositions ont, soit déjà été expérimentées sans succès, soit sont déjà en place sous une forme ou une autre, soit sont totalement inapplicables... et le reste c’est de la roupie de sansonnet en terme d’efficacité... avec toujours aucune mesure qui ne s'attaque aux problèmes structurels de fonds sur la démocratie, l'économie, l'emploi, la justice, le système paritaire, la relocalisation de l’économie, et cetera, et cetera...
Cela dit, si on cherche une alternative aux partis dits de gouvernement (Sic !!! Comme si on avait entériné qu'aucun autre parti ne gouvernerait jamais), sans tomber dans les extrêmes totalitaires, c'est tout aussi compliqué...
Les alternatives pas encore « trop » brulées par les compromissions se résument à : Dupont-Aignan, Montebourg, Chevènement, Mélenchon. Tous ces politiques partagent les mêmes analyses, les mêmes objectifs pour changer les cadres et ont démontré une certaine cohérence en appelant à voter « non » au TCE. Mais (bizarrement) quand on se penche sur les solutions proposées, aucun n'est d'accord... et moi-même je ne suis d'accord avec personne à cause de dissensions sur certaines solutions suffisamment fondamentales, pour que je ne puisse adhérer à aucun... Alors ? Alors, on est dans la m... Mais ça, on le savait déjà...
Je réfléchis depuis toujours et plus intensément depuis plusieurs mois, à cette « bizarrerie » du débat politique. Quand on lit les analyses de Dupont-Aignan, Mélenchon, Chevènement ou Montebourg sur la mondialisation, tous ces gens sont quasiment à l’unisson… et en plus ce sont tous des républicains qui ont une vraie ambition sociale et économique pour leur pays… Ils partagent donc également les mêmes objectifs… Sauf que quand on passe aux solutions que les uns et les autres proposent, là ils ne sont plus du tout d’accord… et des fois ça devient carrément du grand n’importe quoi, comme Dupont-Aignan qui propose un retour au franc ou Mélenchon qui veut taxer la finance internationale (comme si elle était saisissable, il rêve totalement)…
C’est là que je ne comprends pas comment c’est possible… Autant sur un sujet de société (comme la burqa), même en partageant les mêmes analyses et objectifs, c’est assez compréhensible (du moins, il me semble) qu’on puisse avoir des vues divergentes sur les solutions ; autant sur des sujets comme l’économie, pour moi, on est dans de la « matière dure » et ça ne devrait pas être possible… Pourtant, c’est encore le cas, il y a une foison de solutions toutes plus irréalistes les unes que les autres ; surtout qu’en plus, la plupart ne font que proposer des vieilles recettes qui ont déjà démontré que ça ne fonctionne pas.
Dans l’ingénierie, il n’y a pas 100 solutions à un problème donné en fonction d’un objectif à atteindre, quand on part des mêmes données et qu’en plus, on a déjà expérimenté tout ce qui ne fonctionne pas… en politique, si. On va continuer à nous proposer des solutions qui ont déjà démontré leur invalidité (et même malignité) sans que ça ne gêne personne et encore moins les électeurs ; c’est cette « anormalité » que j’essaye de percer…
J’ai lu énormément de choses depuis quelques mois (en me replongeant même dans les classiques), et j’ai l’impression que je n’avance pas. J’ai beaucoup d’explications, psychologiques, sociologiques, philosophiques, politiques, ethnologiques, et même biologiques, identitaires ou religieuses… mais aucune ne me semble suffisamment opérationnelle pour expliquer et modifier la répétition morbide, ainsi que l’absence de cognition rationnelle, dès que l’on doit « passer aux actes »… Comme si les analyses, qui permettent de comprendre, ne pouvaient en rien modifier les réflexes pavloviens identitaires qui font répéter des chemins connus, plutôt que des solutions originales qui tiendraient compte des contextes globaux et des problèmes de façon transversale.
Einstein disait « On ne règle pas un problème en utilisant le système de pensée qui l'a engendré. » ; mais quelque part, c’est pire que ça : même en identifiant correctement les problèmes, les politiques démontrent qu’ils ne sont pas en capacité d’être autre chose que ce qu’ils sont… Un vrai mur qui semble infranchissable, bien en rapport d’ailleurs avec les répétitions névrotiques que les psys rencontrent sur les divans, où, même quand le patient a identifié l’origine de ses problèmes, ça ne préjuge aucunement du fait qu’il abandonnera ses symptômes « préférés »…
Il y a vraiment une place à prendre entre Montebourg et Mélenchon, que personne ne tient... pour quelqu’un qui aurait fait le deuil des réponses qui ne fonctionnent pas, et qui ayant intégré la realpolitik proposerait des solutions transversales pour modifier les cadres.
Juste un exemple : la TVA sociale substitutive est une réponse pour :
- supprimer le différentiel de compétitivité avec les BRICS, et donc provoquer des relocalisations de productions,
- réinstaurer un financement social que tout le monde paierait proportionnellement à sa consommation,
- autoriser une augmentation du salaire net de 20 % immédiatement,
- et bien d’autres bénéfices énumérés dans l’article cité...
Hé bien, il n’y a rien à faire, c’est impossible que la gauche s’empare de cette solution, parce qu’ils n’y comprennent rien, qu’ils s’obstinent à considérer que la TVA est injuste (alors qu’à tous niveaux, il n’y pas plus inique que notre système actuel), et, qu'entre autres, ils continuent à ne pas comprendre les mécanismes de formation des coûts de revient productifs… dommage...
Aux prochaines élections, moi, je vote Lula... ha non, pas Lula, lui aussi en aurait croqué... c'est vraiment désespérant... Bon alors, De Gaulle (c’est dingue d’ailleurs, d’en être réduit à le regretter), … ha bé non, on me dit qu’il est mort, que c’est Sarkozy qui a fini de l’enterrer et qu’en plus il est bloqué dans son cercueil, après les triples saltos arrières qu’il a faits dans sa tombe dès 1971…
Oui, ce sont des plaisanteries stupides de désespéré… malheureusement, nous sommes de plus en plus nombreux à l'être, et surtout à ne plus croire en ces politiques-là et à ne plus nous sentir représentés par personne... Un vrai échec de notre « démocratie » qui ne présage rien de bon...
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